Retour sur "L’invention de la caméra Éclair 16", une étude de Vincent Sorrel

Contre-Champ AFC n°347


Mille huit cent quatre-vingt-quinze (1895), revue périodique exclusivement consacrée à l’histoire du cinéma et éditée par l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC), a publié, dans son numéro 82 (2017), une intéressante étude intitulée "L’invention de la caméra Éclair 16 : du direct au synchrone", sous la plume de Vincent Sorrel, cinéaste et maître de conférences en Création artistique à l’Université Grenoble Alpes.

« Les aventures de la conception de la caméra Éclair 16 nous permettent de préciser l’histoire de l’avènement du "cinéma direct". En effet, cette révolution esthétique ne correspond pas uniquement à des réalités techniques : cette épopée a été "légendée" par les cinéastes eux-mêmes qui ont "poussé" la technique afin de réaliser dans leurs films l’impression de synchronisme, mais surtout de saisie de l’époque. L’esthétique a précédé la technique pour quelques œuvres de cette période du début des années 1960 : des films prototypes pour lesquels le son synchrone était obtenu par des procédés artisanaux, au tournage et au montage. » (Texte publié à l’occasion d’une conférence du Conservatoire des techniques de la Cinémathèque française, en 2014)

« Le film de Jean Rouch et Edgar Morin, Chronique d’un été (1961), est souvent présenté comme l’une des premières expériences de tournage en son synchrone, préfigurant ce qu’on convient d’appeler aujourd’hui le "cinéma direct ". Ce terme désigne un tournage utilisant un matériel léger permettant au cinéaste d’être immergé et en prise directe avec des situations réelles. Saisir au plus près les aspirations et les préoccupations d’une époque – en particulier celles de la jeunesse – et pour cela, filmer les corps et la parole de l’Autre, contribuent à affirmer la nécessité technique du son synchrone.
De nombreux textes importants pour la réflexion sur le cinéma documentaire, qui décrivent et
analysent les apports essentiels de ces nouvelles formes, insistent sur le fait que cette "révolution" a été rendue possible grâce à l’invention d’une caméra légère et silencieuse permettant l’enregistrement synchrone du son et de l’image, l’Éclair 16. L’émergence de cette caméra est ainsi, souvent, associée au tournage de Chronique d’un été. Pourtant son industrialisation n’a commencé que quelques années après.
En effet, cette période, riche de discussions et d’expérimentations, est toujours envisagée à partir des récits des cinéastes et autour de ce qu’on se propose d’appeler une légende, celle d’un prototype qui serait celui de l’Éclair 16. Jean Rouch voulait absolument que son film soit un film expérience, il n’en fallait pas moins une caméra prototypale à son projet... et l’Éclair 16 "révolutionna" la prise de vues. » (Extrait du tout début de l’étude de Vincent Sorrel)