Yves Cape, AFC, et sa collaboration avec le réalisateur Michel Franco - 1re partie

Par Caroline Champetier, AFC

par Yves Cape Contre-Champ AFC n°354

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Lors de la première édition des Prix AFC, récompensant l’excellence du travail de direction de la photographie et dont la cérémonie de remise des trophées a eu lieu le mercredi 7 février 2024, dans le cadre du 24e Micro Salon, c’est Yves Cape, AFC, qui a remporté le prix de la Meilleure photographie pour un long métrage de fiction, avec Sundown, de Michel Franco. Dans ce long entretien publié en deux parties, Caroline Champetier, AFC, questionne Yves Cape sur cette collaboration fidèle (six films à ce jour) et originale avec le réalisateur mexicain Michel Franco.

LA RENCONTRE

Caroline Champetier : J’ai beaucoup aimé ce que tu as dit à propos de Memory sur le site Internet de l’AFC où tu décris un vrai changement dans ta façon de travailler, sans doute dû à la possibilité d’avoir des outils plus légers en lumière et des capteurs plus sensibles... J’ai le sentiment que c’est aussi Michel Franco et ses propositions de mise en scène qui t’amènent à cet endroit. Je voulais savoir si tu pouvais reparler à propos de Sundown, qui est ton quatrième film avec lui, de ce que tu as dit à propos de Memory, cette façon de plutôt réagir sur le motif, bien qu’ayant beaucoup préparé en amont.

Yves Cape : Ce qui est particulier dans ma rencontre avec Michel Franco c’est que nous ne sommes pas du tout de la même génération. C’est quelqu’un qui a fait des études classiques de cinéma, qui a été assistant caméra, un peu chef opérateur, connaissant donc la pellicule, mais il est né avec le numérique.
Son approche est donc totalement différente de la mienne. Quand nous avons fait notre premier film ensemble, Chronic, je venais avec mes vieux réflexes de films en 35 mm, même si j’avais déjà tourné en numérique et adapté le numérique à mes habitudes de 35 mm, et pas l’inverse. Je me suis trouvé dans des situation où, pour Michel, c’était normal de tourner les répétitions parce qu’il n’y avait plus de questions de quantité. La flexibilité de l’outil permettant aussi qu’on puisse tourner de nuit dans une rue, et tout d’un coup préférer que la scène ne se passe pas de nuit dans la rue, mais dans l’appartement au premier étage.

Michel Franco et Yves Cape sur le tournage de "Chronic"
Michel Franco et Yves Cape sur le tournage de "Chronic"


Une préparation qui était lourde avant, j’ai pris conscience que je pouvais la rendre plus légère en travaillant autrement, avec les outils, la lumière, la caméra, les objectifs.
C’est également lié à sa façon de monter : Michel confronte directement la séquence tournée au montage, dès qu’il a tourné une ou deux prises, la carte va chez le monteur qui est sur le plateau et il met ça dans la timeline du film. Michel va donc très très vite, moi j’avais encore des habitudes de lenteur, j’ai été vraiment entraîné par lui, c’est-à-dire poussé par lui à me débarrasser de tout un système pesant.
Sur Chronic d’ailleurs on en a souvent parlé, Tim Roth et moi, parce que même pour les comédiens c’est assez perturbant. Michel est capable pendant qu’il est en train de tourner un plan et tout en le regardant se mettre en forme de se dire : « En fait ça n’est pas ce plan-là que je veux ».
C’est très déstabilisant pour un comédien, puisqu’il est en train de lui dire : « T’en fais pas, vas-y, on ne sait pas encore comment mais on va faire autrement… ». Par contre, il a envie de le voir, parce que ça lui permet de rebondir, et de nous expliquer pourquoi il n’aime pas ça. Pour Tim et moi, c’était vraiment déstabilisant, parce que nous avons l’habitude d’aller au bout des choses et de les épuiser. Michel se rend compte que ce n’est pas ce qu’il veut, que ce soit le jeu des comédiens, le mouvement de la caméra ou sa position, la lumière, enfin l’ensemble de ce qu’il met en scène.
Tim et moi, nous étions par moments tout a fait battus, et perturbés par cette rapidité.

LA CONTINUITÉ ET LA LÉGÈRETÉ

CC : Mais ça veut dire qu’il tourne en continuité ?

YC : Oui, il tourne dans une chronologie parfaite. Michel me délègue énormément de choses, entre autres, il donne la totale responsabilité du plan de travail à l’assistant réalisateur et à moi. Je vais le voir seulement quand j’ai des doutes, quand je me dis ça c’est dommage, il faudrait ne pas tourner cela dans la chronologie, parce que ça nous permettrait ceci ou cela, mais il nous fait une grande confiance. L’assistant réalisateur qui change, moi ne changeant pas depuis six films. C’est la même chose pour les costumes et pour les décors, il m’envoie au front pour discuter avec eux. Bien évidemment je fais des retours à Michel pour être sûr que je ne me fourvoie pas, l’idée n’est évidemment pas de décider à sa place mais il me laisse ce champ de responsabilités.
La chronologie sur Memory nous l’avions un peu déconstruite avec Lisa Man, l’assistante réalisatrice. Nous avions trois décors principaux qui revenaient dans le film, et pour des raisons d’argent, parce que c’était plus facile de louer les décors l’un après l’autre, nous avions fait des blocs. Il y avait un seul décor où on revenait deux fois parce qu’il y avait là, dans le scénario original, la scène finale du film. On a donc commencé à tourner deux, trois jours certaines scènes en discontinuité et Michel nous a dit : « Ça n’est pas possible, je n’y arrive pas, ça n’est pas de votre faute mais moi je suis incapable de faire comme ça, je suis obligé d’avancer dans la chronologie ». C’est sa façon de travailler avec le scénario et les acteurs qui impose cela, il attend que les comédiens se saisissent des scènes. Il y a beaucoup de versions de travail du scénario, mais une fois qu’il y a la version de tournage, même si des changements peuvent apparaitre parce que les décors imposent quelque chose, il ne modifie plus le scénario parce que pour lui, ce n’est pas ça qui importe, l’important, c’est ce qui est écrit dans la scène, que ça se passe dans la cuisine ou dans le salon, on s’en fout, mais par contre, il veut voir comment les comédiens se saisissent de la scène. Il n’est pas du tout « Montrez-moi, je vais vous dire ce que je pense », il donne beaucoup d’indications avant, où il veut que les acteurs soient assis, leurs déplacements, mais il vérifie avec eux que ça fonctionne. Donc il y a une grande liberté et en même temps des indications strictes.

D’autre part Michel est très attaché à faire le moins de plans possible parce qu’il pense qu’il y a toujours moyen de trouver un seul axe pour une scène. Tout cela demande beaucoup de souplesse, c’est la raison pour laquelle mon système sur les films de Michel Franco s’est profondément simplifié, si j’étais plus lourd je n’aurais pas le temps de déplacer tout ce matériel.
Un bon exemple, éclairer par les fenêtres, ce qu’on aime bien faire ; même si c’est un rez-de chaussée où c’est tout à fait possible de mettre un pied et une source, avec Michel c’est compliqué parce qu’on va peut-être tourner la scène prévue à l’intérieur, ou sur le perron ou à la porte d’entrée, donc je mettrais en place des choses qui ne me serviraient à rien. D’ailleurs sur Chronic, qui était notre premier film ensemble, au bout d’une semaine j’ai renvoyé du matériel électrique parce que je me suis rendu compte que je ne m’en servirai jamais, j’avais pris, comme je prends toujours, six SkyPanels, une source que j’emploie beaucoup, je me suis dit que deux suffiraient. Ce qui est agréable, c’est qu’il y a quand même une forme de jeu là-dedans, c’est-à-dire que ce n’est pas du dogme, on a des dogmes, mais en même temps on est ravis quand on les transgresse parce que ça nous fait rire que l’on se donne des règles et que nos règles ne marchent pas forcément. Par contre, on aime beaucoup cette légèreté, une scène qui est dans la cuisine, on peut se dire que c’est mieux dans la chambre et mieux de nuit donc il faut bornioler, et on se sert des rideaux, donc j’anticipe tout ça, je demande toujours des rideaux, parce que je sais qu’une scène prévue de jour on pourrait la faire de nuit et parce que je ne veux pas d’une vitre noire il faut des rideaux.

Sur Chronic, je n’en menais pas large, parce que ça allait très vite. Michel tourne à peu près tous ses films en 24 jours et un jour de "reshoot" au plan de travail, cinq semaines, ce sont des rythmes américains, 12 heures de travail, au Mexique, c’est la même chose. Souvent j’habite avec Michel, donc nos conversations continuent après le tournage. Sur Chronic je n’habitais pas avec lui et c’est vrai que j’avais vraiment des moments non pas de panique, mais de doute et d’angoisse en me disant : « Est-ce que je vais assez vite ? Mon système est trop lourd, etc. ». Mais Michel ne coince jamais ses collaborateurs, si je lui dis que j’ai besoin de 20 minutes pour mettre un plan en place il accepte, il ne m’a jamais dit : « Non, je suis là dans 10 minutes », ça n’est pas du tout la question, la question, c’est l’enchaînement entre mon temps et le sien.

Tim Roth, Yves Cape et Michel Franco sur le tournage de "Sundown" - DR
Tim Roth, Yves Cape et Michel Franco sur le tournage de "Sundown"
DR


RÉPÉTITION

YC : Michel me fait toujours assister à la première répétition où je n’interviens absolument pas mais je regarde. De manière systématique on vient le matin sur le plateau, lui et moi avant tout le monde, on se met dans la pièce, on lit le scénario qu’on a déjà lu 50 fois et on fait les déplacements tous les deux, on dit voilà moi je suis assis là, là c’est un des personnages, il va se lever, est-ce qu’on veut le voir partir, etc. Une fois que les comédiens arrivent pour cette première répétition, avant d’aller au maquillage, Michel leur explique la scène, s’ils sont d’accord, c’est acté et ils repartent. Si c’est plus compliqué, il essaye des choses avec eux, jusqu’à ce que l’on trouve la scène, puis ils vont au maquillage et on commence le tournage. C’est là où je ne peux pas perdre de temps à cause de la chronologie, si on est dans la cuisine et qu’on va faire la scène suivante dans la chambre, c’est intéressant pour les comédiens d’enchaîner presque directement. Je me suis donc rendu compte que c’est aussi le plaisir que j’ai de voir les comédiens se saisir de la scène. Je sais que pour eux deux heures d’installation lumière, ça casse leur élan. Je me suis pris au jeu de ce système qu’on a d’ailleurs mis au point ensemble Michel et moi, film après film.

Sur Memory, c’était une nouvelle équipe, nous avons fait une réunion et on a dû expliquer comment Michel voulait tourner pour expliquer cette méthode à la production, la régie, les stagiaires afin que tout le monde comprenne. Michel leur a dit clairement que c’était entre lui et moi une sorte de coréalisation, dans le sens où toute une série de questions ne doivent pas lui être posées mais doivent être dirigées vers moi. Un des assistants réalisateurs avait pris des notes à cette réunion et nous en avons fait un document que j’aime beaucoup.
Par exemple, l’éternelle question, où met-on les camions ? Impossible de répondre facilement à cette question, parce qu’on doit être capables de bouger facilement et rapidement partout ! Donc les camions ne sont pas dans la proximité directe du décor. C’est compliqué parce que je sais que le matériel mettra plus de temps pour être acheminé mais c’est comme ça, ce sont des règles, et on préfère les avertir avant le tournage, en disant voilà les règles, elles sont un peu strictes, un peu bizarres.

Michel ne veut personne sur le plateau à part les gens nécessaires, c’est-à-dire que si c’est possible, il ne veut ni de la maquilleuse ni de la coiffeuse ni du best boy ni des assistants, mais il accepte qu’ils soient derrière les écrans. On essaie d’ailleurs de limiter les écrans, mais le staff a droit à un écran, pas des grands écrans, des petits écrans, par contre le montage existe aussi pour eux, il leur dit : « Vous pouvez aller voir le montage quand vous voulez ». Il accepte aussi que tout le monde regarde les rushes, sauf les comédiens. Au moment de la scène, s’ils ont besoin de regarder leur travail, il y a ce petit écran, et ils leur dit : « Surtout, si vous avez un problème de maquillage ou quoi ce soit, demandez à Yves de venir voir dans l’œilleton de la caméra », et je n’ai aucun problème avec ça.
Comme d’habitude, les règles semblent strictes au début, et une fois que les gens comprennent le système, ils s’en accommodent. Un chef électro, c’est toujours mieux de l’avoir derrière soi pour qu’il regarde la scène, il suit une prise, et s’il voit que ça va, il va derrière le moniteur, si c’est plus compliqué, il reste.
En fait, c’est assez agréable parce que les gens qui participent au tournage intériorisent ces règles et se rendent compte de leur intérêt dans ce système. Le dernier film qu’on a tourné à San Francisco, Dreams, la première semaine j’ai senti l’équipe américaine vraiment déstabilisée. Je leur ai dit : « Faites attention, ça va être ça pendant cinq semaines, si vous êtes malheureux, il faut vous en aller parce qu’il n’y a pas de raison que vous soyez malheureux, par contre je pense que ça peut être intéressant pour vous parce qu’il y a moyen de participer, mais il y a des règles pour participer ». En fait, ça a duré deux jours ! La semaine suivante, le chef électro, Clay Kerri, est devenu un partenaire extraordinaire parce qu’il avait compris la mécanique et ce pourquoi on y tenait. C’est perturbant pour les équipes techniques, quand d’un coup on leur dit : « On va tourner dans cet axe-là », puis juste après Michel et moi on dit : « Non, ça ne nous intéresse pas, on préfère dans l’autre axe », ils nous prennent un peu pour des charlots, mais en même temps quand ils ont compris que c’est parce qu’au niveau de la mise en scène ça ne fonctionne pas, ils sont conquis.

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Pour toutes ces raisons j’ai donc dû alléger mon système ! Sur Sundown toute la chambre de Tim Roth dans le deuxième hôtel est prélightée parce qu’on y retourne souvent, c’est un prélight léger : il y a 12 mètres de Boas en trois lignes de 4 mètres au plafond pour créer des pénombres ou remonter le niveau de jour si besoin. Sur Memory aussi toutes les pièces étaient prélightées, nous n’avions pas assez de matériel pour toutes les pièces donc on modifiait, en fonction du plan de travail, pour le chef électro, Jay Warrior, il y a un vrai défi d’installation. Contrairement à ce que l’on pense souvent, ce n’est pas du tout de la pure lumière naturelle, où on n’emploie aucun projecteur, par contre, on essaye toujours que ce soit le plus simple possible, je tiens vraiment à me simplifier la vie au niveau de la lumière, et du quotidien du travail pour l’équipe pour pouvoir consacrer le plus de temps possible à la mise en scène.

RÉFLEXION AVEC LE CHEF ÉLECTRO

CC : C’est beaucoup de réflexion en amont à partir des ouvertures, portes, fenêtres ou sources de lumière, une façon de prévoir diverses situations jour, nuit, soir, pénombre ?

YC : C’est exactement ça. Je me mets dans une pièce avec les membres de l’équipe technique, et on prévoit les différentes situations du jour, de la nuit, de pénombre, comment fera-t-on ? Un exemple, comme c’est souvent le cas dans un certain type d’hôtel populaire, les étages ont une couleur, soit de peinture, soit de lumière, dans le deuxième hôtel, sur Sundown, qui n’est d’ailleurs pas la chose la plus heureuse qu’on ait faite, en parlant de la nuit sur la terrasse, on s’est dit : « Chaque étage a une couleur, quelle couleur ? ». Le dernier étage où nous tournions était inoccupé nous pouvions donc en choisir la couleur.

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CC : Je pense que le rouge, le rouge n’est pas exactement un rouge, mais j’aime beaucoup l’idée du monochrome.

YC : C’est vraiment venu en discutant avec le chef électricien, Natcho Sanchez - que m’a fait rencontrer la production et avec qui j’ai fait trois films maintenant -, on s’est mis dans toutes les situations. On s’est dit : « Tiens, quand on sera sur la terrasse de nuit, comment fera-t-on ? ». Il y avait un hôtel un peu plus loin, on s’est dit qu’on pourrait peut-être avoir un SkyPanel en bas qui donne un peu de détails sur la façade, de ce côté-là c’est beaucoup trop loin donc on ne s’y intéresse pas, on verra s’il y a des points lumineux, et pour la terrasse ? Est-ce qu’on fait venir la lumière de l’intérieur, mais cet intérieur est assez faible, il n’y a que deux petites lampes au-dessus du lit, donc il n’y a pas de raison que la lumière marque si loin.
On raisonne comme ça, puis on se dit qu’on a besoin d’une source qui soit dédiée à cette terrasse, on est partis sur des Asteras blancs puis le chef électro m’a proposé : « Faisons comme les autres étages ». Il y avait un étage vert, un étage bleu donc pourquoi pas une couleur, au début j’ai refusé, et le lendemain je lui ai dit : « Tu as raison, c’est une bonne idée, quelle couleur ? » et donc on a fait ça en rose puis à l’étalonnage, j’ai trouvé ce rose pas convaincant et on a transformé ça en rouge. Tout cela impliquait aussi pas mal de choix pour nous, c’est amusant. Par exemple, les scènes de nuit où ils font l’amour dans cette chambre, je me suis dit ils font l’amour dans la pénombre, mais la lumière de la terrasse existe toujours, dois-je faire des contre-jours roses, enfin rouge, est-ce que j’aime ça ?

CC : Il y a des moments où tu fais revenir le contre-jour coloré quand il est assis sur cette terrasse, ça m’a plu, de toute façon ce sont des propositions arbitraires, mais en même temps qui peuvent dire quelque chose sur ce que sont les personnages.

YC : Voilà, alors ça, c’est l’autre chose en fait qui est importante parce qu’avec mon chef électro je fais cette lecture technique des endroits, donc on va voir les différents effets de lumière dans tous les décors, dans les voitures aussi, enfin tous les décors, puis dans un deuxième temps il y a de nouveau le scénario qui revient, donc le personnage, sa solitude, le type qui essaye d’échapper à quelque chose qu’on ne comprend pas, qui est en train de mourir, mais on sait pas très bien de quoi… Souvent je me dis que c’est plutôt le cadre qui nous aidera à traduire ça, lui tout seul dans cette chambre, des plans larges pour marquer ça solitude. C’est sûr que la lumière joue évidemment mais c’est vraiment un réglage que je réserve au moment du tournage parce que je n’arrive jamais à savoir ce que le comédien va faire exactement et comment il va s’emparer de la scène. Comme Michel leur laisse beaucoup de possibilités, parfois avec des propositions qu’il refuse mais souvent avec une grande marge de liberté.

Michel Franco et Tim Roth
Michel Franco et Tim Roth


Tim Roth est un comédien que Michel adore, il a beaucoup de propositions et en même temps comprend profondément le scénario, il n’a pas des propositions qui partent dans tous les sens mais il en a toujours. Tim est tout à fait capable de s’asseoir de dos dans une scène où il sait que la caméra le filmera de dos en se disant c’est mieux comme ça et s’il voit que la caméra bouge, il me dit : « Mais non, restez là, c’est là que c’est bien et je me tournerai un moment donné où je trouverai un moyen pour que vous voyiez mon visage ». C’est donc plutôt à ce moment-là qu’avec le chef électricien on a ces discussions, mais on arrive à les avoir justement parce qu’on est très simples et très préparés, on ne doit pas mettre énormément de choses en branle, c’est juste allumer une lampe parce qu’on se dit : « Tiens, il a la lampe allumée dans sa chambre ou au contraire il reste dans la pénombre », donc on a notre système au plafond qui nous permet de créer cette pénombre et notre matériel près à l’extérieur pour éclairer depuis l’extérieur si on veut.
C’est ça que Michel m’a appris et bien évidemment ça ne s’adapte absolument pas à tous les films parce qu’il faut une grande confiance entre nous, parce qu’il pourrait tout à fait me mettre en grande difficulté mais il ne le fait pas et surtout s’il le fait par inadvertance parce qu’il ne le comprend pas, je peux tout à fait le lui dire et il me répond : « OK d’accord, je comprends, on ne va pas faire comme ça, on le fera ce plan demain comme ça t’as le temps de préparer ». Donc cette chronologie, évidemment ça nous aide parce que même pour moi c’est fantastique d’avancer en sachant ce que j’ai fait juste avant, on parle toujours des comédiens pour lesquels tourner en chronologie, c’est agréable mais pour un chef opérateur, c’est fantastique.

CADRE ET FOCALES

CC : Ce que tu viens de dire entraîne à parler du cadre, votre panel d’optiques est une série d’optiques classiques allant du 18 au 150, avec combien d’optiques travaillez-vous ?
De ce que tu dis on comprend que Michel Franco est fort sur les axes, ça me rappelle Beauvois qui sait parfaitement l’axe dans lequel il veut regarder la scène, est-il aussi sûr de la valeur du plan, c’est-à-dire de la focale ?

YC : Il y a deux choses qui rentrent en compte, Sundown est tourné en anamorphique, on a donc eu pour des raisons budgétaires, au Mexique, la seule série disponible chez notre loueur CTT, des Cooke anamorphiques (25/32/40/50/75). J’ai fait des essais et me suis rendu compte que le 75 mm avait un problème de flou très présent en haut et en bas de l’image, pour les gros plans, cela peut être gênant, j’ai donc croppé pour ne pas avoir ce flou qui rentre dans les yeux. C’est globalement un 40 mm, c’est-à-dire notre focale de référence quand nous ne sommes pas en anamorphique. C’est donc une focale très importante pour nous.
Pour les plans larges, comme Michel déteste les distorsions optiques parce que ça fait entrer des choses qu’il considère comme étant un point de vue qui n’est pas le sien, il trouve que ce n’est pas sa vision, on évite donc les très courtes focales et on a dû assez rarement aller au 25 mm. Les plans larges dans la chambre, quand on est tout à fait au fond de la pièce, caméra fixe, ils sont au 32 mm, je ne me souviens plus exactement. Après, se pose la question dans l’autre sens, c’est-à-dire que tout d’un coup pour Michel le 100 mm ou le 150 mm, ça donne un effet longue focale et de nouveau c’est un effet dont il ne veut pas, donc on ne les prend pas. On a donc fait globalement le film au 75 mm et au 32 mm.
Quand on travaille en Summilux, notre focale en format 1,85, c’est le 40 mm à peu près tout le temps, quand on doit faire un plan large qu’on n’arrive pas à faire au 40 on passe au 35 ou au 25.

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CC : Sundown était votre premier film en anamorphique ?

YC : Oui notre premier film en anamorphique, on avait fait Chronic, Les Filles d’Avril, New Order en 1,85 et Michel avait envie de changer. Ensuite, il y avait cette référence à L’Etranger, de Camus, cette personne seule sur une plage qui se fait griller au soleil, cette solitude…
En préparation Michel m’avait dit : « Pourquoi ne pas essayer une fois le 2,40 ? ». J’ai donc proposé : « Tant qu’à faire du 2,40, allons en anamorphique ».
Après, tous ces choix de format ça peut être arbitraire, je ne pense pas qu’il y a des règles qui s’appliquent mieux à un film, moins bien à un autre mais c’est toujours un choix esthétique, après tu te conformes à ça. Mais, par exemple, quand on est dans le fond de la pièce et qu’on doit panoter sur le tiroir on ne peut pas mettre une courte focale parce que là, il y aurait des distorsions que Michel ne supporterait pas, ça impose un choix de focale.

CC : Quand on est dans la chambre du deuxième hôtel ?

YC : Oui, dans sa deuxième chambre, la caméra est tout à fait dans le fond de la pièce, il y a un plan où le personnage rentre et va cacher son téléphone dans le tiroir de la table de nuit, là, on ne peut pas être en courte focale parce le panoramique entraînerait trop de distorsions, trop de mouvements de lignes qui perturbent Michel, donc cela impose un choix de plan et on aime cela, ces contraintes. Dans ce cas on décide de panoter et d’être gros plan au moment où on arrive sur le tiroir en ayant un belle coupe dans son entrée à la porte, ça doit être de nouveau l’équivalent d’un 40 mm donc en anamorphique le 75 ou le 50. Notre règle, c’est pas d’effet !

CC : Oui la question de la neutralité semble importante !

YC : Le choix de la focale implique aussi une distance à laquelle on filme, et c’est le plus important selon moi, plus que l’aspect esthétique. En règle générale, nous sommes toujours avec les personnages, on aime être proche d’eux, c’est leur histoire que l’on raconte, Michel souhaite donc avoir une distance physique normale, entre eux et entre la caméra, donc évidemment ça impose quelque chose parce que si on se dit que c’est la distance physique entre deux personnes qui est importante, la focale vient s’adapter à ça et pas l’inverse. D’une certaine manière on retombe de toute façon dans les choses qu’on aime bien, c’est-à-dire le 40 mm donc, en anamorphique, le 75 ou le 50. Mais c’est ce que j’aime avec Michel, c’est qu’il me laisse un grande marge de manœuvre, la seule chose c’est qu’il a un très bon œil et dès qu’il voit sur son moniteur ou dans la caméra qu’il y a quelque chose qui cloche, il me dit : « Il y a quelque chose qui cloche, je ne sais pas quoi mais il a quelque chose qui cloche ». J’essaie donc de réfléchir à ce qui ne lui va pas et parfois c’est simplement que je n’ai pas mis la bonne focale.

CC : Ça peut être aussi une question de proximité quand tu as la possibilité de t’approcher ou de te reculer.

YC : Exactement, c’est vrai que pour éclairer les comédiens, on sait qu’en ayant la caméra plus loin d’eux c’est plus facile, donc là, il me reprend de volée, c’est-à-dire qu’il me dit : « Non, il faut qu’on s’approche, c’est physique », si les deux personnages se parlent et qu’on est avec eux on ne se met pas dans la pièce d’à côté pour les filmer, même si c’est plus beau !

CC : Puisqu’on parle de ça, il y a un travelling dans le film, un travelling sur la plage derrière une première rangée de personnes qui sont assises sur des chaises ou assises sur le sable face à la mer. Comment avez-vous pris la décision de ce travelling ?

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YC : Une fois que le personnage est arrivé dans ce second hôtel qui se trouve dans une autre partie de la ville, un nouveau film commence. On a eu une première partie avec sa famille dans un hôtel de luxe, l’annonce de la mort de la mère puis l’aéroport où il prétend avoir oublié son passeport. A partir de là, la deuxième partie commence, il demande au chauffeur de taxi de ne pas retourner au premier hôtel, il l’emmène ailleurs, il prend une chambre dans un hôtel populaire au bord de la plage et puis sort sur cette plage.

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Cet autre film commencé, son histoire à lui démarre. Pour nous, il y avait un truc très important - Michel est extrêmement dogmatique sur ce genre de détails -, cette plage d’Acalpoulco a été choisie parce que Michel y a passé son enfance, d’une part, et surtout parce que les événements qu’on décrit, la fusillade qui intervient a vraiment eu lieu sur cette plage, qui est connue pour ça. Il y a sans arrêt des histoires de contrebande et de meurtre, c’est une plage extrêmement populaire contrairement à d’autres plages d’Acapoulco et il nous semblait important d’inscrire dans un périmètre sa chambre d’hôtel, la plage, le restaurant où il se rend, enfin ce parasol où il va tout le temps se tanquer, il rencontre la femme ailleurs dans une boutique assez proche et cette géographie était très importante pour nous : l’hôtel, la boutique de la fille, la plage et la zone de son parasol. La partie centrale du film va se passer là, jusqu’au moment où il doit partir de cette plage. Cette géographie était un vrai sujet, on voulait présenter cette plage assez particulière, très populaire où il y a beaucoup de monde, des restaurants tout le long. Le travelling est donc venu assez naturellement en nous disant : ce qu’on doit présenter, c’est la mer, la plage avec tout ce monde incroyable et Tim anachronique dans ce décor qui ne sait pas très bien où aller et finalement échoue dans un des bars de cette plage.

CC : Il fait combien de mètres ce travelling ?

YC : Il doit faire une vingtaine de mètres, 30 mètres peut-être. Avec Michel la machinerie c’est un peu compliqué, ça vient de son rapport avec le numérique où il s’autorise plus de choses, je n’avais pas cette liberté-là avant et surtout j’avais peut-être les dogmes de notre ancienne école que je trouve un peu dépassée. Je pense d’ailleurs que les réalisateurs commencent à se saisir de ce que le numérique permet, c’est-à-dire que Michel ne se prive pas de zoomer dans les images toujours avec mon accord, c’est vraiment un truc que j’ai établi avec lui, c’est-à-dire que parfois sur le moniteur on dit : « Le cadre final ce sera ça », un peu plus à gauche ou à droite mais donc tout ça est dans la réserve, je travaille toujours avec une réserve de 10 %, 10 % en haut et en bas, et donc un tout petit peu plus à gauche et à droite. Je me sers énormément de ça et je le fais aussi quand on est en anamorphique. Comme on évite les dolly pour des raisons budgétaires mais aussi de liberté, et qu’on déteste les plongées, plus précisément les déformations optiques liées aux plongées ou contre-plongées, l’astuce qu’on a en postproduction, c’est de descendre dans l’image pendant le plan donc faire un mouvement de dolly en employant la réserve du haut puis quand la personne s’assied on fait descendre le cadre vers le bas.

CC : Parce que ton dépoli est tracé avec ces 10 % supplémentaires ?

YC : J’ai toujours la réserve pleine et je me mets la ligne 10 %, je la vois tout le temps, Michel aussi et également pour la gauche et la droite. Il y a toujours des discussions avec le son car on ne laisse rentrer la perche dans ces 10 % que très rarement quand c’est très compliqué pour eux et qu’on fait des plans larges fixes, là je dis : « C’est bon vous pouvez y aller », je ne mets jamais rien dans la réserve sauf cas exceptionnel parce que je sais qu’on va l’utiliser.

CC : Concernant cette plage où il y a quand même des états de lumière très différents, as-tu choisi tes heures de tournage, en as-tu parlé avec Michel Franco ?

YC : J’en ai surtout beaucoup parlé avec l’assistant réalisateur parce qu’il y a bien sûr la question de la chronologie mais sur cette plage j’avais un autre problème, quand on regarde la mer, l’hôtel est à gauche et à droite l’endroit qui nous intéressait sur la plage parce que c’est là qu’il y a les restaurants et les bars et surtout la zone où le personnage va aller se tanquer, il y a une petite montagne qui, à une certaine heure, nous faisait de l’ombre qui arrivait à toute vitesse donc avec l’accord des gens des cafés nous avons déporté le café, en leur demandant s’ils pouvaient mettre leurs tables un peu plus loin, pas seulement les tables mais aussi les clients parce qu’il y a un mélange de vraie figuration et de fausse figuration donc un déplacement de 50 mètres à peu près qui nous donnait 45 à 60 minutes de plus de soleil en fin de journée. Avec l’assistant réalisateur tout en gardant le plus possible la chronologie nous avons fait un plan de travail avec cette donnée. Le soleil se levait derrière l’hôtel et allait se coucher derrière la montagne, ce qui était pas mal puisque le personnage était plus ou moins toujours en contre-jour quand on regardait l’eau, on a fait le plan de travail de cette façon-là ; avec Michel de nouveau, c’est ça qui est intéressant, si le matin on devait se trouver dans le cas où je dise : l’axe le plus intéressant pour la lumière, ça va être le contre-jour parce qu’on est le matin mais si tu veux faire cette scène avec le soleil pleine face on doit simplement se mettre dans l’autre sens.

LE SOLEIL

CC : Il y a un moment donné d’ailleurs où le personnage prend le soleil, c’est là que j’ai compris que vous aviez choisi vos heures de tournage, c’est assez beau comment ça tombe sur lui, c’est un soleil qui doit commencer à descendre.

Photogramme


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YC : Ça a été très compliqué avec Tim Roth, c’est une drôle d’histoire. En fait, je savais ça depuis Chronic, mais je n’avais pas tilté qu’il allait se passer la même chose. Tim Roth déteste le soleil, il le déteste réellement et ne va pas jamais au soleil. Sur Chronic on avait tourné à Los Angeles en plein été, il faisait une chaleur terrible et Tim refusait de sortir de voiture sous le soleil, il fallait qu’il y ait quelqu’un avec un parasol, pas par coquetterie, vraiment parce qu’il déteste ça sur sa peau. Il a une peau de roux, mais dans le scénario c’est quand même quelqu’un qui va se faire frire sur une plage et décide d’accélérer sa maladie dont on ne sait rien à ce moment-là et qui va s’exposer au soleil alors qu’il ne devrait pas le faire. Sur Sundown très vite Tim a dit qu’il ne se mettrait pas au soleil, donc Michel et moi étions choqués. « Le scénario existe, comment se fait-il que tu puisses nous dire ça ? », du coup c’était tendu entre Michel et Tim qui étaient, avant ça, de grands amis. Il y a toute une histoire qui les liait et ils se connaissent quand même très bien mais ça ne s’est pas très bien passé et notamment pour ça, Michel disait : « Je ne comprends pas, il a lu le scénario et maintenant il me dit qu’il ne veut pas être au soleil », moi j’ai tenté d’arranger les chose en proposant à Michel, pour qu’il ait ces scènes plein de soleil, de diffuser la lumière, j’ai parlé de ça à Tim : « Voilà, il faut qu’on ait le sentiment que tu sois plein soleil mais je peux aider en installant une diffusion et j’ai également proposé qu’il puisse avoir la tête à l’ombre, s’il acceptait d’avoir le reste du corps protégé par la diffusion. C’est toujours la même histoire, les plages, on a une tendance d’opérateur à se mettre à contre-jour parce que c’est mieux pour la lumière et ici dans le scénario ce qui était intéressant, c’était d’être frontal avec le soleil dans le dos parce qu’il y avait le côté dur de ce type qui était en train de se faire griller sur cette plage puis qui va rencontrer une fille… Tout ça a abouti à un mélange, par moments, les plans un peu larges, je choisissais le contre-jour, mais parfois, pour les plans serrés comme le plan en plongée dont tu parles, on passait soleil de face car évidemment c’était intéressant qu’il soit exposé en plein soleil.

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CC : En même temps on comprend qu’il n’y prend pas de plaisir. Il est là comme il est dans tout le film, présent et absent, c’est là où il est assez étonnant. Il y a d’ailleurs symboliquement ces plans de poisson, le poisson qui n’est pas encore cuit au début puis, plus tard, au moment du restaurant, il y a ce poisson grillé.

YC : Ce sont des idées de préparation. Avec Michel on fait toujours une lecture pendant 15 jours. Au début de notre collaboration nous faisions vraiment 15 jours, c’est-à-dire deux semaines en s’arrêtant le week-end, maintenant on a tendance à faire 7 jours d’affilée, on lit le scénario de fond en comble, je l’ai déjà lu plusieurs fois mais on le relit ensemble, on s’arrête, on voit des films, on discute, Michel travaille beaucoup par références cinématographiques, très peu de références photographiques ou picturales ou musicales, d’ailleurs, c’est vraiment les films, c’est une vraie encyclopédie.

CC : Pour Sundown, quelles étaient les références ?

YC : Tout ce qui a rapport avec l’étranger, ce sont des films de solitude, de personnes seules, comment est-ce qu’on installe cette solitude. La particularité pour Sundown étant que c’est un personnage qui se met en solitude au milieu de beaucoup de gens. Pour le coup on a beaucoup parlé de L’Étranger, de Camus, on a relu le livre tous les deux, pour comprendre pourquoi on le rapprochait du scénario, parce que très naturellement en me donnant le scénario Michel m’a dit avoir écrit en pensant à L’Étranger sans savoir très bien pourquoi, puis je lui ai confirmé que ça me faisait aussi penser à Meursault. En fait, en le relisant ce sont surtout les souvenirs, ces moments sur la plage, tous ces souvenirs où il va à la plage, qui ne sont qu’une petite partie du bouquin.
Michel est un peu bloqué sur une filmographie précise, c’est un grand admirateur de Fassbinder, donc il essaye toujours de trouver dans les films de Fassbinder des références possibles. Pour Memory, le film de Fassbinder avec cette femme qui tombe amoureuse du bel étranger turc, je crois.

CC : Tous les autres s’appellent Ali.

YC : Voilà, Tous les autres s’appellent Ali. Pour Memory, c’est un film dont Michel m’a dit : « Il faut qu’on le regarde tout de suite » pour la solitude de cette femme et pour l’incongruité du couple. Quand on a fait New Order Michel m’a fait revoir tous les Pasolini parce que il y avait des scènes de violence politique. Michel va voir beaucoup de films à la cinémathèque de Mexico City mais je dirais que sa culture et celle des années 1970- 80, c’est la période Fassbinder, Pasolini, Bergman.
C’est un grand fan de Woody Allen également mais pour d’autres raisons parce que c’est un truc inaccessible qu’il n’arrive pas à faire et qu’il aimerait arriver à faire un jour. J’essaie de pousser Michel à faire une comédie parce que je pense qu’il a vraiment un potentiel. Il m’a déjà dit plusieurs fois qu’il avait commencé à écrire, qu’il n’y arrivait pas mais je trouve que ce serait bien qu’il arrive à sortir d’une ligne parce que là maintenant que j’ai fait six films avec lui, il y a comme quelque chose qui se répète. C’est normal, tous les auteurs sont comme ça, c’est-à-dire qu’ils ont des trucs à eux, lui, ce sont les retournements de situation qu’il arrive à très bien exploiter, les fausse pistes, comme dans Sundown.
C’est-à-dire qu’on croit à une histoire et en fait, ce n’est pas ça du tout mais tout autre chose, ce mécanisme-là, il a fort envie d’en sortir mais un peu comme tous les créateurs, c’est pas si facile de sortir de sa zone de confort ; c’est pour ça qu’on a eu beaucoup de plaisir sur New Order qui était un film sur la violence. Ni lui ni moi n’avions jamais fait ce genre de chose, un film un peu policier avec des voitures de police, des militaires. Je n’avais jamais fait ça et Michel déteste ça, trouve que c’est toujours faux, c’était amusant pour nous de nous confronter à un style qui n’est pas notre zone de confort.

À suivre...

On pourra aussi lire ou relire quatre entretiens avec Yves Cape à propos de son travail sur les films de Michel Franco :