80e édition de la Mostra de Venise

Entretien avec David Quesemand, AFC, à propos de "Michel Gondry Do It Yourself", documentaire de François Nemeta

"Human nature", par François Reumont pour l’AFC

Contre-Champ AFC n°346

François Nemeta, ancien assistant de Michel Gondry au début de sa carrière, est resté encore aujourd’hui très proche de lui. Il propose à Venise un portrait du cinéaste versaillais qui fourmille d’entretiens, d’images d’archives et de petits clins d’œil à son univers si particulier. Un film qui sera diffusé sur Arte lors d’une soirée spéciale consacrée au réalisateur. C’est David Quesemand, AFC, qui a accompagné ce documentaire de Paris à New York en passant par Los Angeles... Sélectionné à la 80e Mostra, section Venise Classics Documentaires, le film est projeté lundi 4 septembre. (FR)

Comment s’est déroulé ce tournage assez exhaustif sur la carrière de Michel Gondry ?

David Quesemand : Je connais François Nemeta depuis plusieurs années. Nous avons tourné ensemble plusieurs clips et publicités, mais ce film est son premier documentaire. Après une toute première session de tournage à Los Angeles chez Michel tourné par François de son côté, je suis à mon tour rentré sur le projet. En tout le film nous a pris environ trois semaines de tournage entre les États-Unis et la France. Quelques interviews très lointaines (comme celle de Kylie Minogue) ayant été réalisées par des équipes locales pour des questions de coût évident. L’enjeu principal était d’abord de se faire accepter par l’intéressé, puis d’arriver à donner une sorte d’unité à toutes ces parties, et de retrouver par moments l’esprit de son cinéma. Notamment celui de son travail en animation.
En tout deux films ont été réalisés, Michel Gondry Do It yourself, le documentaire principal de 80 minutes, et In Bed with Michel Gondry, un deuxième film un peu plus court centré sur sa relation au sommeil et aux rêves et l’inspiration qu’il en tire dans son travail.
Tous deux produits pour Arte dans le cadre d’un Thema spécial à venir.

Quelle est votre approche ?

DQ : Sur ce genre de projet on sait pertinemment que les choses vont être extrêmement découpées derrière, et que les séquences vont être à la fin assez courtes. L’important est de fabriquer des images simplement et modestement. Ne pas chercher forcément à faire de la jolie image, par exemple, ne pas rentrer dans les canons de l’interview US avec le contre-jour bien appuyé et la profondeur de champ proche de zéro. Varier les ambiances et les contextes, comme avec cette interview de Jack White sur un bateau sur la Seine, l’entretien au sujet de L’Écume des jours pour lequel on a trouvé à l’institut Pasteur un décor qui colle si bien à son univers, ou celle où Michel conduit la DeLorean, la voiture de Retour vers le futur, bref garder un certain esprit ludique qui traverse son œuvre.

Jack White et Michel Gondry - Photo David Quesemand
Jack White et Michel Gondry
Photo David Quesemand
François Nemeta et Michel Gondry, au volant de la DeLorean - Photo David Quesemand
François Nemeta et Michel Gondry, au volant de la DeLorean
Photo David Quesemand

Avec quelle configuration avez-vous tourné ?

DQ : J’ai majoritairement eu recours à une Sony FX6 équipée d’optiques photo Sony ; utiliser aussi une caméra 16 mm Bolex, vieille passion que nous partageons avec Michel Gondry et François Nemeta, s’est imposé comme une évidence. Elle nous a servi pour des transitionsou des petites séquences en pixillation, comme celle où on imite le clip "The Hardest Button to Button" dans un escalier des bords de Seine entre Michel et Jack. En même temps, la caméra Bolex, on le voit dans le film, c’est celle avec laquelle Michel tourne tous ses premiers films et notamment l’équipe du groupe Oui Oui, dans lequel il jouait également la batterie.

Qu’avez-vous appris sur lui ?

DQ : Il faut vraiment être au bon endroit au bon moment. Michel n’est vraiment pas réputé pour sa patience sur ses propres films, et quand on fait un film sur lui alors là, faut vraiment s’accrocher !
Heureusement que François Nemeta le connaît très bien, et partage une très grande complicité avec lui. On peut d’ailleurs s’en apercevoir sur une des scènes tournées lors des prises de vues du Livre des solutions. Michel se retournant vers la caméra avec un œil assez noir vers l’objectif pour ensuite blaguer sur notre présence. Après, il faut quand même, en tant qu’opérateur, prendre un minimum de soins à l’image de lui, car c’est quelqu’un qui se fiche complètement de son image. Histoire qu’il ne soit quand même pas trop malheureux quand il regardera le film !

Et en lumière ?

DQ : Un dispositif très simple. Une ou deux sources, presque jamais de contre-jour, une seule caméra la plupart du temps... et si possible pas de micros HF car il les déteste. Je me suis même occupé du son moi-même sur pas mal d’interview de lui seul, pour réduire le nombre de gens sur le plateau au maximum et le mettre en confiance.

Charlotte Gainsbourg et Michel Gondry - Photo David Quesemand
Charlotte Gainsbourg et Michel Gondry
Photo David Quesemand

Que retenez-vous de ce tournage ?

DQ : Ce qui m’a le plus marqué, d’abord tous ces personnages, comédiens, techniciens, producteurs et sa famille qui tenaient à témoigner souvent de leur admiration pour Michel. J’ai aussi aimé passer du temps dans sa maison, la cave où on retrouve nombre de souvenirs et qui nous a servi de décors et de mini studio pour certaines séquences et le bureau où il fait quotidiennement ses films en papier découpé. Ce côté obsessionnel est fascinant. Le voir travailler tout seul est vraiment très beau. Et puis son personnage à la fois très ouvert sur les autres et très renfermé sur ses obsessions...
En allant lui rendre visite sur le tournage de son dernier film (Le Livre des solutions) je l’ai trouvé extrêmement épanoui, heureux au milieu de plein de jeunes gens, et finalement très à l’aise. C’était d’autant plus touchant que ce film parle de son mal-être intérieur, vécu à la suite de l’expérience difficile de L’Écume des jours.

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)