LTC-Quinta : un plan d’urgence de la Ficam

Par Sarah Drouhaud

La Lettre AFC n°216

Le Film français
La Fédération des industries techniques du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia a élaboré un dispositif de sauvetage numérique et photochimique des longs métrages traités par le groupe Quinta, face au risque de disparition des éléments numériques.

Parallèlement à son courrier à la présidence de la République, la Ficam dévoile le dispositif qu’elle a élaboré pour répondre à l’urgence de la situation avec pas moins de 36 longs métrages en finition concernés.
Après son audit, effectué « avec la remarquable coopération des responsables techniques salariés du groupe Qinta », la Ficam alerte « sur le risque jusque-là insoupçonné d’une perte totale ou quasi-totale de tous les éléments numériques des films en cours de traitement ou en finition stockés sur les réseaux de Quinta et ses filiales ».

En effet, pour la première fois de leur histoire, les industries techniques estiment devoir « faire face au sauvetage d’œuvres dont la dématérialisation rend infiniment complexe leur localisation physique et leur identification numérique ». A cela s’ajoute « la pénurie des supports informatiques ».
Et la Ficam d’expliquer que « les serveurs des sociétés du groupe Quinta font déjà l’objet de saisies dont certaines pourraient être exécutées dès cette semaine par les sous-traitants ou les prêteurs, ou encore de retenues des bailleurs dans leurs procédures d’expulsion (retenues opérées dans des conditions non vérifiables). La reprise des serveurs, ou l’absence d’alimentation électrique, entraînera irrémédiablement la perte des données du fait de sauvegardes internes frappées des mêmes risques ».

Pour la fédération, l’ensemble de ces équipements et réseaux contiennent aujourd’hui près de 300 ME de " valeur de production " en cours de traitement, soit 25 % de l’investissement annuel du cinéma français !
Si certaines sociétés de production et de distribution peuvent faire face économiquement à de tels événements, d’autres ne le peuvent pas, ajoute la Ficam. Elles se disent « capables dès demain de répondre à chacune des productions » qu’elles ont examinées au cas par cas, en réalisant une analyse et en identifiant les solutions à y apporter mais sollicitent prioritairement l’accompagnement des pouvoirs publics dans la mise en œuvre du plan de sauvetage des œuvres en danger imminent.

La chronologie des réponses techniques de la Ficam :
- Sécurisation définitive des œuvres
- Reprise sans délai des travaux de postproductions et de finitions
de toutes les Postproductions numériques et photochimiques permettant le respect des plannings de sorties en salle de cinéma et le respect des engagements de vente aux distributeurs étrangers
- Intégration de la réalisation des effets spéciaux urgents (dont le retard accumulé par certains mettent en péril leur programmation)
- Dans une moindre urgence technique, organiser le transfert des œuvres de patrimoine conservées depuis 1935 sur support physique par Quinta dans des termes à établir en accord avec le liquidateur.

Par ailleurs, la Ficam propose trois dispositifs appropriés à ces circonstances :
Les " prestataires techniques " choisis par les " producteurs " pour prendre immédiatement en charge leurs travaux deviennent garants des éléments prélevés ou transférés du Groupe Quinta vis-à-vis du " liquidateur " et s’engagent à ne libérer les dits éléments qu’après accord de ce dernier.
 Les producteurs et le liquidateur disposent alors du temps nécessaire à trouver un accord de paiement et solder les encours établis ou à établir.

La Ficam se propose de former sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’Image animée (CNC), avec la Commission supérieure technique de l’image et du son (CST) et l’Association des directeurs de la photographie (AFC), un comité d’experts susceptibles d’accompagner entre " Liquidateur " et " Producteur " et contribuer aux issues rapides de situations complexifiées par l’évaluation nécessaire de travaux en cours, par des usages non formalisés ou par l’absence d’une administration commerciale en ordre.
La Ficam suggère par ailleurs que ce Comité soit présidé par le Contrôleur général des finances, Monsieur Jacques-Yves Lepers (auteur d’un récent rapport sur les industries techniques).

La Ficam invite le président du CNC à définir avec les organisations professionneles les termes d’une mise en place d’un fonds spécial du Compte de soutien en vue :
- D’apporter au Liquidateur une garantie totale ou partielle de paiement par « opposition au compte de soutien » de l’œuvre concernée, si une négociation n’avait pu aboutir avec le producteur dans les délais utiles, mettant en péril la production – et le nouveau prestataire technique en désigné par elle – par blocages des éléments.
- D’apporter aux Industries techniques concernées une garantie spéciale du Compte de soutien si la reprise des travaux d’une production présentait une réalité de coûts ou de surcoûts dus à l’urgence qui ne figurait au budget ou aux imprévus et risquait d’en hypothéquer le règlement convenu.

Les industries techniques insistent également la nécessité d’associer pleinement l’Institution judiciaire sans laquelle rien ne sera possible. Car elles craignent que le temps judiciaire de la liquidation ne corresponde pas à celui du sauvetage des œuvres et l’économie de leurs productions.

Sarah Drouhaud, Le film français,