La vidéo à la demande, un marché anecdotique mais prometteur

par Nicole Vulser

La Lettre AFC n°178

Le Monde, 21 juin 2008

Avec un chiffre d’affaires de 29,2 millions d’euros en 2007 (près du double de celui de 2006), ce tout petit secteur comparé à l’ensemble de la vidéo dont le DVD (1,49 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2007, en baisse depuis trois ans) attire de plus en plus d’investisseurs. Le nombre de plates-formes et d’opérateurs a explosé en quelques années.

Une quarantaine d’offres émanent d’opérateurs de télécommunications comme Orange, Neuf, Free, SFR ou Alice, qui proposent des offres " triple play " (Internet, téléphone et télévision). De chaînes de télévision comme Canal+, TF1, France Télévisions, M6 ou Arte. De distributeurs comme Darty, la Fnac, Carrefour ou Virgin. De plates-formes indépendantes comme Glowria, VoDéo. De sociétés indépendantes comme MK2, Universciné. Mais aussi de câblopérateurs ou de portails Internet.
D’où vient cet engouement récent ? En 2007, 7 % des internautes français avaient loué, pour 24 ou 48 heures, un programme en VOD – un film dans 63 % des cas. Longtemps réduite et peu attractive, l’offre de films devient plus significative : selon l’Observatoire de la VOD, 2 500 longs métrages étaient disponibles fin décembre 2007 sur sept principales plates-formes. Soit 1 155 titres de plus en un an.

En quelques clics, l’internaute reçoit un film dont le prix varie entre 0,99 euro et 4,99 euros pour les plus récents. Certains opérateurs proposent des formules d’abonnement mensuel, d’autres commercialisent des films de façon définitive (envoyés par fichiers électroniques). De façon balbutiante, il existe aussi des programmes gratuits financés par la publicité et de la " catch up TV " (des émissions payables à l’unité).
Le handicap majeur au développement de la VOD n’est pas levé : un film n’est visible en VOD que sept mois et demi après sa sortie en salles et donc après sa sortie en DVD. La ministre de la culture, Christine Albanel, s’est déclarée, mercredi 18 juin, favorable à l’exploitation simultanée des films en DVD et en VOD, soit six mois après leur sortie en salles. « Voire trois à quatre mois pour la VOD, comme la moyenne européenne », a-t-elle souhaité.

La VOD peut-elle constituer une nouvelle chance pour les films qui n’ont pas eu de carrière importante en salles ? C’est le credo défendu par Universciné, qui regroupe une pléiade de producteurs et de distributeurs indépendants. Un long métrage qui marche bien, sur cette plate-forme, c’est 150 visionnages par jour. Par ailleurs, chez Arte, « ce qui marche le mieux est directement en rapport avec l’antenne ».
Universciné comme Arte se plaignent de ne pas pouvoir être distribués de manière bien identifiée sur l’offre triple play d’Orange. Contrairement à Neuf, Alice ou Free, qui proposent plusieurs services de VOD estampillés " canal play ", TF1 Visions ou encore Free home Vidéo, Orange est devenu son propre éditeur et commercialise tous les films en VOD sous sa bannière, en signant des accords directs avec les détenteurs de droits. Orange a facturé 1,06 million de téléchargements au premier trimestre 2008. Selon Bernard Tani, directeur VOD du groupe, « ce qui marche en VOD, c’est ce qui marche en salles... » Et même s’ils ne s’en vantent pas, de nombreux opérateurs proposent des films pornographiques pour adultes, qui trouvent leur public.

Y a-t-il un modèle économique possible ? Le ticket d’entrée pour les investisseurs est assez faible, mais, pour l’heure, les opérateurs gagnent au mieux des " cacahouètes ". « Les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de triple play semblent aujourd’hui les seuls capables d’actionner les leviers nécessaires pour assurer une consommation de masse du marché de la VOD », assure une récente étude du Centre national de la cinématographie. Les services de VOD accessibles uniquement sur Internet auront bien du mal à décoller. « Nous réalisons 90 % de notre chiffre d’affaires sur le " triple play " », confirme M. Tani.
Sur Internet, Universciné espère équilibrer ses comptes d’ici deux ans. MK2 dans de trois à cinq ans. « Cela reste une activité marginale, même si la croissance est importante. C’est comme un gros vidéoclub », explique Nathanaël Karmitz, directeur général de MK2. Les prévisions optimistes parient sur une multiplication du marché au moins par dix en 2012.
(Nicole Vulser, Le Monde, 21 juin 2008)