Le directeur de la photographie Kevin Brunet parle à Panavision France du tournage du projet "Omega x Orbis", réalisé par Gianluca Matarrese

par Panavision Alga Contre-Champ AFC n°348

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Documentaire publicitaire de vingt-six minutes, le projet "Omega x Orbis", réalisé par Gianluca Matarrese, a été photographié par Kevin Brunet avec les optiques "Vintage" Ultra Speed et Super Speed de Panavision. Le directeur de la photographie nous explique sa démarche esthétique.

Comment avez-vous été impliqué dans le projet ?
Kevin Brunet : Le projet "Omega x Orbis" est un projet hybride produit par l’agence Kind Paris (Titem Mouici, Julien Pasquier et Caroline Flak). Il s’agit d’un film documentaire publicitaire de vingt-six minutes, soulignant l’engagement de la société Omega auprès du groupe médical Orbis, qui opère dans son avion hôpital des enfants ayant des problèmes visuels. Comme pour tout projet publicitaire, plusieurs réalisateurs ont été mis en compétition. Gianluca Matarrese l’a emporté, et comme cela fait maintenant plusieurs années que je photographie ses films, il m’a proposé à Omega et à Kind, qui m’ont fait une confiance totale. C’est très important pour un opérateur de sentir de la part des clients et de la production une confiance complète. Cela m’a permis d’amener l’univers visuel des documentaires de Gianluca tout en apportant une esthétique très publicitaire.

Comment décririez-vous le look du projet ?
KB : Le look du projet est assez proche du travail que l’on fait avec Gianluca, entre documentaire et fiction. Gianluca a une vraie attente graphique et nous échangeons déjà depuis plusieurs années sur son style. Mais il fallait introduire un aspect publicitaire qu’il n’avait pas forcément dans son travail, avec une recherche de plans beauté et une esthétique qui se rapproche parfois du "lifestyle". L’idée était d’avoir une image très lookée et reconnaissable, avec une vraie identité. C’est un film qui montre l’engagement de médecins et de personnes qui s’investissent pour une accessibilité à une médecine de pointe. Il ne fallait pas juste filmer et rendre compte d’une situation, mais il fallait raconter un engagement, celui des médecins, d’Orbis et d’Omega. Il fallait donc donner un vrai look film, dont l’ensemble des protagonistes soit fier.

Photo : Julien Georgy


Y a-t-il des références visuelles particulières qui vous ont inspiré ?
KB : Oui, il y avait beaucoup de références visuelles, d’idées d’ambiance, et un moodboard a été mis en place par Gianluca, Adrien Chibatte, le directeur de production, et Julien Pasquier, le producteur. Pour ma part, la référence d’inspiration ultime du film, c’est Bruno Aveillan. J’ai toujours eu une admiration pour son travail et j’avais envie d’apporter ce côté très suave et très contemplatif que je perçois dans son travail. Mais nous restions sur un documentaire, donc j’ai énormément épuré le "style" Aveillan pour rester dans l’idée du film documentaire. Nous travaillons énormément de façon informelle avec Gianluca et j’ai beaucoup regardé d’images de photoreporters. L’idée du photojournalisme est omniprésente dans ce film.

Photo : Julien Georgy


Qu’est-ce qui vous a amené chez Panavision pour ce projet ?
KB : Je travaille quasiment toujours en Panavision, j’ai été formé chez Panavision, j’ai grandi dans les années 1990 avec des films tournés en Panavision. Mon travail est imprégné par le look Panavision. C’est très compliqué pour moi de travailler avec un autre matériel, parce que ce sont des optiques qui me parlent. Bien-sûr il y a beaucoup de constructeurs qui font des optiques incroyables (Angénieux, Cooke, Hawk, Zeiss...) mais mon travail, je le vois quasi toujours en Panavision...

Photo : Julien Georgy


Qu’est-ce qui vous a attiré dans les objectifs spécifiques que vous avez choisis ?
KB : J’ai choisi les Ultra Speed et les Super Speed, ce sont des optiques que j’adore. La série est complexe car pas forcément homogène en termes de poids et de taille, mais c’est une série tellement particulière. Elles ont l’identité Panavision tout en étant ultra lookées. Ce sont des optiques vintages, donc elles sont beaucoup plus lookées que des Primo L ou des série plus contemporaines. Elles ont un piqué et une douceur propres à Panavision, des noirs d’une belle densité et un flare magnifique. Ces optiques sont mes optiques préférées en Super 35 sphérique. On les avait utilisées pour le dernier film de Gianluca, et ça a été pour nous une évidence. Comme moi, Gianluca adore le rendu de cette série. Le 200 mm est une optique exceptionnelle qui a été le fil conducteur de ce film.

Photo : Julien Georgy


Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir directeur de la photographie et qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?
KB : J’ai toujours voulu être directeur de la photographie, j’ai effectué toute ma scolarité en ce sens, et je ne me suis jamais imaginé faire autre chose. Je ne sais pas comment l’expliquer. Mes parents avaient fondé le cirque Archaos, à la fin des années 1980, et j’aimais observer, regarder la mise en scène, la lumière, les coulisses, et j’ai compris très tôt que je ne pourrais pas faire autre chose. Mais le cirque ne m’a jamais passionné, j’ai toujours eu du mal à me projeter dans cet univers. Pour moi, le cinéma a été une évidence, je passais des journées à voir et à revoir des VHS de Charlie Chaplin, Harold Lloyd et de tout le cinéma burlesque... J’étais fasciné par l’ingéniosité des opérateurs de cette période. J’ai grandi dans les années 1990, donc j’ai été marqué par des opérateurs comme Darius Khondji, AFC, ASC, Emmanuel Lubezki, AMC, ASC, Christopher Doyle, HKSC, Robert Richardson, ASC, Roger Deakins, BSC, ASC... A l’université, j’ai découvert des opérateurs plus naturalistes comme Robby Müller, NSC, BVK, et Nestor Almendros, ASC. Ayant effectué un double cursus universitaire Cinéma-Histoire de l’art, j’ai aussi été beaucoup influencé par les peintres. La peinture a une très grande influence sur mon travail, dans ma préparation et mes échanges avec les réalisateurs. J’ai toujours vu le métier de directeur de la photographie comme la continuité du métier de peintre d’atelier. Donc du Caravage à Kirschner en passant par Caspar David Friedrich, l’ensemble des périodes, des courants et des époques exerce une grande influence selon le thème, l’idée et le concept du film photographié.

Photo : Julien Georgy