Loi de finances 2016 : aménagement du crédit d’impôt cinéma

Par Sarah Drouhaud

La Lettre AFC n°258

Le film français, 30 septembre 2015
Fleur Pellerin a présenté un budget en progression de son ministère. Outre les mesures sur l’audiovisuel public déjà connues, la ministre de la Culture a confirmé les mesures fortes sur le crédit d’impôt cinéma, alors que le CNC sera, enfin, préservé de toute nouvelle ponction sur ces ressources.

Présenté comme une priorité du gouvernement Valls, le budget 2016 du ministère occupé par Fleur Pellerin est en effet préservé dans le contexte d’économie budgétaire. La ministre de la Culture et de la Communication a pu présenter un budget en hausse de 2,7 %, pour un total de 7,3 millions d’euros de crédits pour l’ensemble des secteurs.

Nous ne traitons ici que les budgets du CNC et de l’audiovisuel public.

Cinéma/audiovisuel : un budget de 672 M€ pour le CNC, le renforcement du crédit d’impôt cinéma
Après plusieurs années de ponctions, et parfois de plafonnements, les ressources du CNC seront préservées en 2016. L’intégralité des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle et cinématographique lui sera affectée, sans plafonnement de produit ni ponction.
Il faut dire que le produit de ces taxes connaît une érosion structurelle. Ainsi le produit des taxes affectées au fonds de soutien au cinéma, à l’audiovisuel et au multimédia devrait s’élever à 633 M€ (- 4 % par rapport aux prévisions d’exécution 2015, à 661 M€). Du coup, afin « d’amortir les effets de cette baisse du produit des taxes sur les dépenses d’intervention du fonds de soutien », le CNC va mobiliser une partie de sa réserve, à hauteur de 39 M€ en 2016. Cette somme doit permettre en complétant les ressources du Centre de « soutenir les investissements des entreprises du cinéma et de l’audiovisuel dans la création et la diffusion ».

Au total, les ressources du fonds de soutien s’élèveront donc à 672 M€, en légère augmentation par rapport au budget 2015 (+ 1,38 %).

Les priorités du CNC seront selon les mots du ministère :
- « de financer le recours accru au compte de soutien audiovisuel dont l’important dynamisme témoigne de la bonne tenue de la production et de la diffusion des programmes français ;
- d’assurer le financement de la priorité du président de la République que constitue la mise en place d’un ambitieux plan de déploiement du service civique ;
- d’instaurer une nouvelle aide à la distribution venant compléter les soutiens aux distributeurs accordés par Canal+ dans le cadre de son accord avec les professions du cinéma, signé au printemps dernier. »

2016 sera également marquée par plusieurs réformes qui impliqueront la mobilisation des moyens du fonds de soutien :
- « Le déploiement d’une stratégie globale de promotion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à l’international. Elle a pour objectif d’adapter les dispositifs de soutien pour accroître leur effet de levier sur l’exportation et favoriser la prise en compte de la dimension internationale de manière transversale, afin de renforcer le rayonnement de la création française.

- La réforme du soutien à la captation d’œuvres de spectacle vivant et du soutien àl’animation, pour les adapter aux enjeux actuels de production. Il convient de rappeler que, dans le secteur de l’animation, secteur à forts enjeux artistiques et technologiques, la France occupe la première place européenne et la troisième place mondiale derrière les Etats-Unis et le Japon. Ces réformes s’inscriront dans une triple exigence : le soutien à la création et à la diversité culturelle, le renforcement de la compétitivité de la filière, notamment à l’international, et le soutien à l’activité et à l’emploi. »

La plus grande annonce de ce budget pour le cinéma est bien sûr le renforcement conséquent du crédit d’impôt cinéma, que nous annoncions hier.
Rappelons que l’an dernier, la loi de finances rectificatives avait déjà permis d’augmenter les crédits d’impôt pour le 1er janvier 2016 à 30 % pour tous les films de plus de 7 M€ (contre 4 M€ auparavant), de porter à 25 % le taux pour les films d’animation, sans compter le taux de 30 % et le plafond de 30 M€ pour le crédit d‘impôt international.

Pour faire face à la concurrence fiscale internationale et améliorer l’attractivité et la compétitivité de notre territoire pour la production cinématographique française « dans toute sa diversité, notamment lorsque celle-ci a une incidence forte sur l’économie et sur l’emploi », souligne le ministère, le PLF 2016 prévoit de généraliser le taux majoré de 30 % à tous les films en langue française, les films d’animation et les fictions dites "à forts effets visuels". Et le plafond de crédit d’impôt pour une même œuvre cinématographique sera porté à 30 M€ au lieu des 4 M€ aujourd’hui, soit un quasi déplafonnement.

En outre, et c’est une première en cinéma (pas en audiovisuel), pour certaines œuvres, la condition liée à la réalisation des œuvres en langue française tombe : pour les films « à forte dimension culturelle impliquant l’usage d’une langue étrangère pour des raisons artistiques tenant au scénario » ainsi que « certaines productions cinématographiques ambitieuses d’animation ou à forts effets visuels, qui sont tournées vers le marché international ».

À noter, en outre, que pour faire face à l’érosion structurelle « de certaines bases fiscales des taxes assurant le financement du compte de soutien du fait du faible dynamisme des marchés de diffusion arrivés à maturité (télévision, abonnements haut débit) », le PLF 2016 prévoit une mesure corrective à celle votée en loi de finances rectificative pour 2013 visant à sécuriser la taxation des ressources issues de la télévision de rattrapage (en très nette croissance) et des services interactifs (en l’occurrence, l’envoi de minimessages). Cette mesure doit permettre « de lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale, qui consisteraient, pour le service de télévision, à filialiser ces activités, en réintégrant à l’assiette taxable de la TST les recettes qui en découlent. Ainsi, cette mesure vient réaffirmer le principe de cercle vertueux du financement de la production cinématographique et audiovisuelle en faisant participer à la création des œuvres l’ensemble des acteurs qui jouissent de leur exploitation », précise le ministère. [...]

(Sarah Drouhaud, Le film français, mercredi 30 septembre 2015)