Où Maciek Hamela raconte, pour le CNC, le tournage de son film "Pierre feuille pistolet"

Contre-Champ AFC n°349


A l’occasion de la sortie sur les écrans, le 8 novembre 2023, du film documentaire Pierre feuille pistolet, de Maciek Hamela, le CNC publie sur son site Internet un article intitulé "Sur les routes d’Ukraine", entretien dans lequel le réalisateur polonais raconte comment il a pris la caméra pour capter à vif les récits de réfugiés ukrainiens fuyant les bombardements de l’armée russe et le protocole établi avec son ami chef opérateur, somme de règles qu’ils se devaient de respecter.

[...] « À quel moment le cinéaste que vous êtes a-t-il ressenti le besoin de recueillir les témoignages des personnes qui s’installaient dans votre véhicule ?
Les choses se sont décidées progressivement. Au départ,il n’y avait pas de projet de documenter ce que j’étais en train de vivre et encore moins ce que les passagers subissaient. Au moment de l’invasion, je travaillais sur un film sur la construction du mur entre la Biélorussie et la Pologne, qui visait à réguler l’afflux de migrants du Moyen-Orient. Au commencement de la guerre, j’ai tout lâché pour venir en aide aux réfugiés. Mes allers et retours entre la frontière et Varsovie, soit 350 kilomètres, ont alors commencé. Au bout de la troisième semaine, j’ai commencé à ressentir une immense fatigue. Je conduisais quasiment non-stop sans vraiment dormir. J’ai donc décidé d’emmener quelqu’un avec moi pour me relayer. J’ai proposé à un ami qui se trouve être aussi chef opérateur. Il est venu avec une caméra. Nous nous sommes immédiatement posé la question de l’utiliser ou pas. J’avais peur que cela brise l’intimité qui se créait avec les passagers. Ils étaient dans une situation d’extrême détresse. Je ne voulais pas donner l’impression d’exploiter cette fragilité.

Qu’est-ce qui vous a finalement décidé à les filmer ?
Avec mon ami chef opérateur, nous avons établi un protocole très clair, une somme de règles que nous devions respecter. L’une d’entre elles était de ne filmer qu’avec une seule caméra. Au départ, dans un souci de tout capter, nous avions placé huit caméras. Or, il fallait se débarrasser de ce dispositif trop lourd et envahissant de sorte que si une personne refusait le principe du tournage, nous puissions stopper net l’enregistrement. Cela nous a donné paradoxalement une grande liberté. Les personnes n’avaient pas le sentiment de voir débarquer une équipe de cinéma prête à leur voler quelque chose. Au contraire, le rapport à cette caméra est devenu une invitation au dialogue. L’autre règle était que les passagers soient prévenus en amont de la présence de la caméra afin qu’ils aient le temps d’exprimer leur refus. Il n’y a eu aucun « casting » évidemment, tous ceux qui voulaient parler le pouvaient. Enfin, une fois la caméra en marche, je ne posais aucune question afin de ne pas trop diriger la conversation. » [...]


https://youtu.be/_z4wA8dn5NM

Un van polonais sillonne les routes d’Ukraine. A son bord, Maciek Hamela évacue des habitants qui fuient leur pays depuis l’invasion russe. Le véhicule devient alors un refuge éphémère, une zone de confiance et de confidences pour des gens qui laissent tout derrière eux et n’ont plus qu’un seul objectif : retrouver une possibilité de vie pour eux et leurs enfants.

Pierre feuille pistolet
Réalisation : Maciek Hamela
Image : Yura Dunay, Wawrzyniec Skoczylas, Marcin Sierakowski, Piotr Grawender
Étalonnage : Aleksandra Kraus