Festival de Cannes 2018
A propos de "Petra", de Jaime Rosales, tourné en 35 mm
Par Hélène Louvart, AFCJaime souhaitait trouver un regard "inquisiteur" vis-à-vis des scènes, vis-à-vis des personnages et de l’histoire racontée (en six chapitres) et pour cela la présence du Steadicam et l’utilisation d’une seule focale nous permettraient de "rôder" autour des personnages, de venir "les sentir", de venir "écouter" ce qu’ils disaient et de s’éloigner ou de se rapprocher en fonction du degré "d’intimité" des scènes. Donc, pour cela, une caméra toujours en mouvement, mais un mouvement lent qui peut aussi se détacher de la narration en allant filmer autre chose, pour mieux écouter les personnages, ou comme un regard qui se détourne pour les laisser vivre… La présence du point de vue pouvait être transparente, ou bien pas du tout au contraire, les personnages pouvant ressentir la présence de ce "point de vue" inquisiteur à certains moments donnés… afin de donner une sensation d’être perçus par une "entité inquisitrice".
Et toujours en gardant le principe du plan séquence pour chacune des scènes. Et surtout, "essayer" de ne jamais tomber dans un systématisme de prise de vues.
Pour cela, chaque scène a été "prédécoupée" en amont du tournage, surtout pour avoir le feeling du rythme global pour chacun des chapitres. Puis, sur le tournage, des répétitions précises de Jaime, seul avec les acteurs, puis mon intervention pour chercher et confirmer le point de vue avec Jaime.
Puis des répétitions avec le Steadicam et avec le reste de l’équipe après que la lumière est rectifiée. Et assez peu de prises finalement. Notre quota de pellicule ayant été très étudié en amont (pour une raison de budget, mais pas cela uniquement, aussi également pour une raison de la manière de travailler, une et la manière de savoir se concentrer tous ensemble au bon moment).
Un étalonnage en traditionnel, avec les plaisirs et les aléas des premiers essais, du tirage bobine par bobine avec vérification entre chaque essai du tirage afin d’atteindre une copie brouillon présentable, puis une copie 0 acceptable et une copie 1 impeccable. Ce qui l’a été totalement.
Et ensuite nous avons conformé avec Jérôme, l’étalonneur, d’une manière strictement identique, l‘étalonnage en numérique par rapport à la copie 0. Aucune différence, vraiment aucune différence. Et pour se faire, nous avons partagé l’écran en deux, à gauche l’image projetée en 35, à droite le rendu en numérique, à l’identique.
Nous avons utilisé les outils numériques seulement pour redonner quelquefois une sensation de point lors d’images un peu trop "molles" en 35 mm.