Je me souviens...
Par Gilles Porte, AFC, membre du jury de la Caméra d’or au 77e Festival de CannesJe me souviens de Marc qui convoque Raymond Depardon quand je lui parle de notre idée de faire une photo par jour de l’intérieur de deux jurys...
Je me souviens avoir choisi le format carré avec Agnès et regretté plus tard de ne pas avoir conservé le format 24x36 du grand capteur du boîtier M11...
Je me souviens de l’éclat de rire de Marie G., sur le pavillon de la CST, quand je lui fais remarquer que les photogrammes qu’elle installe sont disposés étrangement de manière christique...
Je me souviens des doigts de Jean-Noël qui mesurent l’espace entre chaque photogramme...
Je me souviens avoir attendu qu’une silhouette passe près de Maryline...
Je me souviens de la voix de Zaho qui surgit dans mon dos lors de la soirée d’ouverture...
Je me souviens de petits pas de danse à la soirée Sony...
Je me souviens de mon ami d’enfance Thierry à qui j’ai demandé de passer entre un écran LEDs, très hightech, et une vitre d’un wagon, très années 1930...
Je me souviens d’une petite voiture jaune qui se faufilait au milieu de limousines noires...
Je me souviens d’Anthony et de ses deux chiens, devant l’hôtel Martinez, à qui des gendarmes à cheval demandent de bouger...
Je me souviens d’Emmanuelle qui vérifie la coiffure de sa fille Nelly juste avant que celle-ci ne présente Le Fil, réalisé par son père Daniel...
Je me souviens de Grégory, qui se réfugie en bas d’un grand écran au cours d’une standing ovation, accompagné de la petite ombre de Thierry...
Je me souviens de Tracy qui demande à ce qu’on l’aide à revêtir des vêtements de père pour retrouver son fils à la sortie de l’école...
Je me souviens de Wim Wenders qui signifie avec ses doigts "40" lorsque les lumières se rallument, à l’issue de la projection du film Paris Texas, diffusé pour la première fois dans une version restaurée...
Je me souviens m’être rendu au pavillon algérien transformé, le temps d’une journée, en pavillon palestinien...
Je me souviens du badge rouge et blanc "sous les écrans la dèche" et des revendications légitimes de celles et ceux sans qui le Festival de Cannes ne serait pas le même..
Je me souviens des hôtesses qui se tiennent la main pour mieux envelopper l’équipe d’un film après que celui-ci ait été montré....
Je me souviens du film Vingt Dieux et de sa réalisatrice à qui j’ai conseillé de faire la tournée des Festivals avant de faire monter le bouche à oreille...
Je me souviens avoir repensé à la naissance de l’école de cinéma La CinéFabrique et aux choix forts de sa direction...
Je me souviens des silences et du rire de Renate Reinsve dans le film Armand...
Je me souviens du très beau travail photographique du directeur de la photographie Nicolas Karakatsanis sur le film Julie Keep Quiet...
Je me souviens des regards de Mamargade et de Cigaal au milieu des images lumineuses du film The Next Village to Paradise, tourné en Somalie...
Je me souviens de mon rendez-vous, à 1 heure du matin, avec Jean-Baptiste et André pour faire des photos à l’intérieur du Grand Théâtre Lumière...
Je me souviens de Pierre-William Glenn qui m’avait fait passé la première fois de l’autre côté de cet écran pour régler une projection...
Je me souviens de Emma qui accepte que je la prenne en photo au 1/15e de seconde lorsqu’elle attend de trouver une place pour le film L’Amour ouf...
Je me souviens avoir dit, à l’issue de la délibération du jury de la Caméra d’or, que je me rangeais derrière l’avis du plus grand nombre, estimant que le principe démocratique était, à ma connaissance, le moins mauvais...
Je me souviens avoir donné ma place pour la fête de la Semaine de la critique à Lucie qui venait d’arriver à Cannes...
Je me souviens être arrivé en retard à la fête Arri...
Je me souviens n’avoir pas pu assister à la fête autour du Prix Angénieux...
Je me souviens de Jacques Audiard avant qu’il ne quitte l’hôtel Marriott sans savoir pour quel prix il a été rappelé.
Je me souviens de Thierry Frémeaux, au fond de la salle, très ému, quand Francis Ford Copolla a retrouvé sur scène George Lucas...
Je me souviens m’être levé lors du discours de Mohammad Rasolof et m’être demandé comment le cinéaste iranien allait bien pouvoir se rasseoir après avoir clamé quelques vérités...
Je me souviens du regard de Pascal sur Wim Wenders quand le cinéaste allemand s’est assis à notre table...
Je me souviens de la complicité avec Wim Wenders lorsqu’il m’autorise à le photographier en compagnie de George et Francis Ford...
Je me souviens des deux mains des cinéastes américains qui se serrent comme si elles avaient peur de se perdre...
Je me souviens de chaque photo...
* Prix de la Caméra d’or à Cannes, un bref historique
Toutes les photos illustrant cet article et figurant dans le portfolio ci-dessous ont été prises par Gilles Porte avec un boîtier Leica M11 équipé d’un Summicron 35 mm.