La Cinémathèque tire le bilan de son colloque numérique
Trente-cinq conférenciers venus de France, Italie, Angleterre, Etats-Unis, Allemagne, Autriche, ont évoqué durant ces deux journées les problèmes d’actualité du cinéma numérique et des cinémathèques : comment conserver pour l’avenir le numérique ? Quel sera le rôle des archives filmiques dans le futur ? Comment restaurer et numériser ? On a senti durant ce colloque comme une sorte d’attraction / répulsion pour le numérique, et au fond c’est bien normal : chaque révolution technique suscite des inquiétudes et des réticences. Chaplin, on s’en souvient, refusait avec énergie d’adopter le film parlant, avant de s’y mettre à son tour avec succès. Tous les intervenants se sont accordés pour dire que le numérique rendait d’énormes services à la prise de vues, à la postproduction, à la diffusion et à la restauration (à condition de respecter les caractéristiques de l’œuvre originale, ce qui n’est pas toujours le cas).
La question de la projection numérique (parfois de piètre qualité dans les salles françaises récemment équipées) a suscité des débats vifs et passionnants. Quant à la conservation des données numériques, le problème n’est absolument pas résolu – hormis le retour sur pellicule – et on a senti une véritable attente autour de ce point ô combien délicat et important, non seulement pour les cinémathèques, mais pour la mémoire et l’avenir même du cinéma.
Nous n’avons pas entendu, au cours du colloque, de discours nostalgiques puérils autour de la pellicule. On sent en effet qu’une page est tournée, même si elle l’a été trop brutalement pour certains. Quand Milt Shefter, de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, venu tout spécialement de Hollywood, nous dit qu’il faudrait classer la pellicule comme patrimoine de l’Humanité, au même titre que la pierre de Rosette, cela signifie beaucoup, que le support pelliculaire est presque déjà entré en tant que tel au musée des techniques.
Cela étant, il reste tout de même impératif de sauvegarder les chaînes de fabrication de la pellicule et toute la filière des laboratoires en argentique, car le film, ce support souple inventé en 1889, reste la seule solution possible pour conserver le numérique, cette technique ultramoderne. Curieux paradoxe ! La révolution numérique est brutale, rapide, changeante, c’est pourquoi il est impératif de l’accompagner, de la surveiller, d’infléchir dans la mesure du possible les décisions absurdes, et faire en sorte que le patrimoine pelliculaire, images et sons, soit respecté avec toute sa richesse plus que centenaire.
La France est, par chance, l’un des pays les plus cinéphiles au monde. Les pouvoirs publics, sur la question du numérique et de la conservation du cinéma, ne sont pas à la traîne, bien au contraire, on l’a vu avec le tout dernier rapport du CNC. En témoigne également la visite, durant le colloque, de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, qui a tenu à réaffirmer son soutien aux archives cinématographiques. Il y a une collaboration étroite entre le CNC et La Cinémathèque française, comme le prouve l’organisation même de ce colloque et comme le prouvent des projets importants en commun (par exemple, la mise en place d’une plate-forme numérique).
Il nous faut maintenant ouvrir nos horizons, étudier ce qui se fait dans d’autres milieux, le livre, la photo, les sciences, les arts numériques. Nous remercions tous les conférenciers, qui ont accepté de partager leur savoir, ainsi que les participants aux diverses tables rondes. La Cinémathèque française est fière d’avoir pu organiser ce premier colloque international d’envergure sur la révolution numérique et la conservation des images animées.
(Source Cinémathèque française)
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