festival de Cannes 2014

Le directeur de la photographie David Ungaro, AFC, parle de son travail sur "Crocodile", de Gaëlle Denis

London crawling

par David Ungaro

David Ungaro, AFC, a filmé le court métrage Crocodile qui passe à la Semaine de la critique. Un film britannique de quinze minutes réalisé par une française, Gaëlle Denis, installée au Royaume-Uni. Un film produit avec l’aide du British Film Institute. Retour d’expérience sur cette rare expérience d’un court métrage tourné Outre-Manche.
Gaëlle Denis et, en arrière-plan derrière la caméra, David Ungaro
Gaëlle Denis et, en arrière-plan derrière la caméra, David Ungaro

Comment vous êtes-vous retrouvé sur ce court métrage britannique ?

David Ungaro : Gaëlle Denis est une réalisatrice qui vient du cinéma d’animation. Elle a fait ses études en Angleterre et travaille depuis quelques années là-bas. C’est son deuxième court métrage en prise de vues " réelle ". C’est Ohna Falby, productrice du film, qui a présenté mon " showreel " à Gaëlle.
Après avoir vu mon travail, nous avons parlé ensemble par Skype et échangé des idées... Finalement, elle a décidé qu’elle voulait travailler avec moi.

Parlez-nous du tournage...

DH : Le film a été tourné sur six jours au mois de mai 2013. Tout a été fait à Londres, avec notamment une étrange ferme à crocodiles située en banlieue est qui nous a servi pour la fin du film. Autrement on a tourné dans plusieurs maisons pour reconstituer le décor principal des protagonistes.
Les maisons londoniennes, c’est un peu le rêve de l’opérateur... Elles sont souvent toutes en longueur, avec une exposition " traversante ", ce qui permet de travailler assez contraste à l’image tout en conservant toujours des lueurs ou des entrées de lumière dans la profondeur de l’image. Le repérage était vraiment bien fait.

De la machinerie ?

DH : Le film est majoritairement en plan fixe. J’ai essayé de proposer quelques mouvements, surtout dans la première partie pour évoquer le vertige du personnage au collège quand il apprend le décès de sa fille. On a par exemple utilisé un Steadicam dans les escaliers... Après le personnage est très introspectif, et ce qui se passe ensuite dans l’appartement est beaucoup plus posé.

Quelle configuration caméra ?

DH : Au niveau du matériel, j’ai tourné en sphérique avec une Alexa équipée d’une série Cooke S2 / S3. Une approche assez répandue actuellement, qui consiste à utiliser une caméra moderne et des optiques plus anciennes... Depuis, j’ai eu l’occasion de faire un autre film qui va sortir en novembre et j’ai pu pousser l’expérience en allant vers des optiques encore plus anciennes. Mais sur Crocodile, on n’a pas eu de choix, beaucoup de films se tournant à la même période.
Gaëlle travaillant depuis quelques années dans le milieu avait la chance d’avoir de très bons contacts chez MPC (The Moving Picture Company) – l’une des boîtes de postproduction londoniennes les plus cotées. Du coup, c’est eux et Glassworks qui se sont chargés de la postproduction du film (effets spéciaux et étalonnage). Jean-Clément Soret (Trance, Mandela...) a étalonné à partir des images RAW chez MPC.

Une scène plus difficile que les autres ?

DH : Dans une scène de cauchemar, le personnage se réveille au milieu d’une espèce de marais tropical qui a littéralement poussé dans sa chambre. Pour cet effet, la production a pu trouver une maison vide dans laquelle la chef décoratrice, Carly Reddin, a construit un bassin dans une des pièces. Après avoir réinstallé le lit et toute la végétation autour de lui, on a filmé en plongée à partir d’un déport. C’était vraiment fait avec les moyens d’un court métrage mais ça fonctionne bien à l’écran !

Voyez-vous des différences dans la manière de fabriquer du court métrage entre la France et la Grande-Bretagne ?

DH : J’ai l’impression que le court métrage est souvent une " profession de foi " en France pour les équipes techniques, avec un engagement corps et âmes ! Tandis qu’en Angleterre, c’est plus un film comme un autre..., sinon qu’il est plus court ! En termes de fabrication, j’ai trouvé en tout cas le film extrêmement bien produit, avec un travail très pro de Ohna Falby (Life to Live Films), qui a porté le projet de bout en bout avec un budget de 60 000 euros et beaucoup d’énergie.
De ce point de vue, et c’est peut-être aussi une autre différence avec la France, la production de courts métrages y respecte rigoureusement la même législation que les longs métrages..., et donc ça ne plaisante pas sur les conditions de travail, les risques et tout ce qui encadre un vrai film au Royaume-Uni.

C’est le début de la carrière du film ?

DH : Oui. Il vient d’être terminé, après presque un an passé en postproduction. C’est sa première sélection en festival. Je sais entre temps que Gaëlle développe plusieurs projets de long métrage via des ateliers européens (Torino Film Lab et CCFL) et j’espère que ce film va lui ouvrir des portes !

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)