Le tournage vu de l’intérieur, une table ronde organisée avec K 5600 Lighting et Transvideo
Par François Reumont pour l’AFCC’est d’abord sur la préparation que la discussion s’est engagée, Dick Pope regrettant le manque de préparation chronique auquel sont confrontés les chefs opérateurs sur les films, même à gros budget. Mise en préparation en général trois semaines avant le tournage, l’équipe image doit se contenter presque tout le temps d’un repérage technique express en deux jours, bien insuffisant pour pouvoir s’imprégner des lieux et régler tous les problèmes de lumière ou de matériel.
Helmut Prein ajoute que la pression du directeur de production frise souvent même le ridicule, exigeant une liste technique à peine la visite de chaque lieu terminée. La plupart du temps, le chef électricien et le chef opérateur sont donc obligés de fournir des listes de base préétablies qui tentent de couvrir la majorité des situations de prise de vues envisagées sur le scénario. Une liste soit trop large, soit incomplète, qui finalement ne satisfait personne.
Sur le choix des optiques, tous les intervenants semblent d’accord sur l’importance capitale de cette décision qui va avoir des répercussions sur l’ensemble de la chaîne. John Bailie avoue pratiquer des tests assez poussés de chaque optique, voire bientôt envisager la création de profils colorimétriques d’étalonnage par optiques pour raccorder toute la série dans le cas d’optiques dépareillées.
Sur le tournage en tant que tel, chaque intervenant semble rencontrer des situations assez ubuesques, que ce soit sur des petits films ou des gigantesques productions hollywoodiennes. Mathew Libatique, par exemple, n’hésite pas à raconter le off du tournage de Iron Man, réalisé par John Favreau, où plusieurs heures peuvent être passées par le réalisateur et les comédiens à affiner tel ou tel choix, tandis une équipe de plus de 500 personnes attend patiemment de leur côté...
Dick Pope explique, de ce point de vue, sa chance de tourner avec Mike Leigh. Un metteur en scène qui impose une discipline de fer sur son plateau. La répétition initiale pour établir le découpage laisse ensuite la place à l’installation technique, pour une nouvelle série de répétition affinées dans un silence religieux, et enfin les prises avec des comédiens qui ont eux même répété des mois auparavant chaque scène du film. Le réalisateur restant derrière la caméra, et le seul retour vidéo étant placé assez loin pour les seuls besoins des vérifications techniques.
Autre regret communément partagé, la tendance à ne plus couper la caméra, et à laisser tourner en permanence de la part du réalisateur. Il en résulte un manque de concentration récurrent dans l’équipe, qui ne sait plus quand il faut être concentré ou pas. Une ambiance très différente du tournage en pellicule où chacun connaissait l’importance du moment où on met en marche la caméra. « Le syndrome du " je m’en fous, continue à tourner ", prend une telle proportion qu’on arrive en fin de journée à des heures et des heures de rushes qu’il faut bien sûr traiter et envoyer au montage..., dérusher..., synchroniser... Un non-sens économique ! », se plaint Matthew Libatique.
Au sujet des outils de contrôle de l’image, Matthew confesse utiliser désormais le moniteur, parfois comme un spotmètre, ou en exploitant les fonctions comme les images " false color " ou l’histogramme. De son côté, Dick Pope ne se sert plus désormais du thermocolorimètre. Ou bien de temps en temps de la cellule, « mais plus pour me cacher derrière et faire semblant de réfléchir très intensément à ma lumière, comme ça personne n’ose venir m’enquiquiner ! » explique-t-il en riant.
(En vignette de cet article, à la gauche de Benjamin B, les invités à la table ronde : Matthew Libatique, Dick Pope, Thomas English, Helmut Prein, Peter Marsden et John Bailie - Photo R Chevrin)