Les films " AFC " vus par leurs directeurs de la photographie
" Indigènes " de Rachid Bouchareb, photographié par Patrick BlossierComment as-tu préparé Indigènes avec Rachid Bouchareb ?
Les scènes de combat ont pris une grosse place dans la préparation du film. Ni Rachid ni moi n’avions d’expérience dans le genre. Rachid m’a fait découvrir une série américaine sur la dernière guerre Band of Brothers, série très efficace, qui fonctionne bien en feuilleton. On a analysé les scènes de combat plan par plan. Peu de temps avant le tournage, je lui ai montré La Ligne rouge de Terence Malik qui est l’opposé de Band of Brothers. La Ligne rouge est un film qui prend son temps, un film de guerre intimiste plus proche de l’univers de Rachid. Je crois que le film de Térence Malik nous a donné une direction.
Avez-vous tourné dans l’ordre chronologique ?
En partie. On a commencé au Maroc par le recrutement et la bataille italienne de Monte Cassino, le port de Naples a été tourné à Agadir, Marseille a été tourné à Tarascon. Tout le reste qui correspond au nord de la France a été tourné dans les Vosges. On a donc commencé avec les scènes de combat dont la plus importante, la bataille italienne. Trois semaines de tournage pour environ dix minutes de film. C’était vraiment bien d’avoir du temps pour la faire, je trouve que c’est plutôt réussi. Nous avons tourné à quatre caméras avec Les Versaillais pour les effets spéciaux qui sont vraiment très au point.
C’est un film qui peut paraître ambitieux et lourd mais vous avez tourné simplement...
La production (3B) a pour habitude de tourner en vrai scope et j’étais ravi ! Plus personne ne veut tourner en " vrai " Scope et c’est très dommage. Indigènes a été tourné de manière assez minimaliste, pas de grands mouvements caméra, pas de plans démonstratifs, le film est simple et c’est sa grande qualité. Avec Rachid, nous voulions que le film soit très lumineux au début pour le Maghreb, l’Italie et la Provence et que petit à petit le film se densifie. Les personnages partent d’Algérie, libèrent l’Italie, la Provence et remontent vers les Vosges. Ils vont vers l’horreur. Mais au moment du tournage, le temps était exécrable au Maroc, il a même neigé à Ouarzazate ! Et c’était plein soleil dans les Vosges !
L’étalonnage est entièrement numérique.
Oui, il a été effectué par Raymond Terrentin Chez Eclair. Il a surtout servi à lutter contre les problèmes de météo que nous avions rencontrés au tournage. Les effets spéciaux numériques ont été supervisés par Christian Guillon (L’Est). Ils ont été nécessaires pour rajouter des explosions, les flammes au bout du fusil quand il n’y en avait qu’une fois sur deux, multiplier les avions dans le ciel ou les bateaux sur l’eau... Au final, il y a une centaine de plans truqués qui s’intègrent très bien.
As-tu des choses à souligner par rapport à la technique ?
J’ai utilisé les objectifs Hawks de chez Iris Caméra pour la première fois et ils sont vraiment très bien. La pellicule est celle que j’utilise habituellement, la Kodak 5245, la 5205 et la 5218 qui matchent très bien entre elles. Mais j’ai plus envie de parler du film que de sa technique. Le sujet est très fort et très actuel. Quand on parle d’intégration aujourd’hui, on oublie, entre autres, cette période de l’histoire. Pendant qu’on tournait Indigènes au Maroc en février 2005, la France votait une loi reconnaissant les bienfaits de la colonisation. Le film est une réponse à cette loi indigne.
(Propos recueillis par Brigitte Barbier)