Rapport du séjour à Camerimage 2022 du département Image de La Fémis
Par Oriane Trably, étudiante à La Fémis, promotion Image 2023J’ai essayé de profiter pleinement du séjour à Camerimage qui nous est offert cette année car j’ai bien conscience de la richesse du festival pour des étudiantes et étudiants comme nous et je ne sais pas dans combien de temps j’aurai à nouveau l’occasion de poser un pied à Toruń. Le festival comporte plein d’aspects différents tout comme le métier que nous avons choisi, cela montre la complexité fascinante du poste de directeur ou directrice de la photographie. Il y a de nombreuses projections de films, des très récents en compétition officielle aux rétrospectives mettant en avant des carrières plus ou moins reconnues, mêlant tous les genres de cinéma, du documentaire à la fiction, aux clips, un bon nombre de nationalités et d’économies différentes. Un salon présentant les meilleures marques d’optiques, de caméras, de machinerie et de lumière est aussi un lieu phare du festival. Mais surtout les rencontres après les films, masterclasses, ateliers, séminaires sont des moments rares dont il faut profiter.
Le festival fit son ouverture avec la projection d’Empire of Light, de Sam Mendes, photographié par Roger Deakins qui n’était malheureusement pas présent (car paradoxalement en séjour à Paris). J’ai pu apprécier sa photographie très maîtrisée, peut-être un peu trop, amplifiant la distance entre les personnages et le spectateur, mais avec des contre-jours dans la pièce abandonnée aux grandes baies vitrées que je rêverais de faire.
Dès le lendemain on prit complètement une autre direction cinématographique et c’est là la richesse de Camerimage. On resta tous ébahi(e)s devant Under Snow, d’Ulrike Ottinger. La réalisatrice et cheffe opératrice filme de manière sensible le quotidien et les rituels des villageois dans une province japonaise engloutie par la neige sept mois par an. Mais elle a l’idée simple et précieuse de les faire dialoguer avec deux acteurs de kabuki. C’est un film follement harmonieux avec des personnages ancrés dans des paysages irréels de beauté.
Toute la rétrospective d’Ulrike Ottinger en sa présence a été un moment important à Camerimage car cela sert aussi à ça un festival, découvrir des œuvres peu montrées, en l’occurrence ici appartenant à un cinéma assez expérimental, qui nourrit différemment que des films faisant partie de la grosse machine industrielle américaine ou autre.
Un autre film marquant, à plus gros budget cette fois-ci et comportant de grands défis techniques, a été War Sailor, du réalisateur norvégien Gunnar Vikene. Le film se passe en grande partie en mer. J’ai particulièrement apprécié les choix de lumière du chef opérateur Sturla Brandth Grøvlen, qui assume des partis pris forts et des choix de cadre qui font de ce film d’époque une histoire intime. J’admire surtout le travail d’étalonnage qui rend des couleurs dans les hautes lumières et une texture très proche de ce qu’on apprécie en pellicule mais qui n’en fait pas un stéréotype passéiste. Il y a une interview du chef opérateur très intéressante sur le site de l’AFC, j’en profite pour remercier ses membres qui font un riche travail de reportages sur le festival.
Les rencontres avec d’autres professionnels ont été permises aussi par le moment de convivialité et le workshop organisés par Angénieux. Nous avons pu dialoguer, par exemple avec une jeune cheffe opératrice et cheffe électricienne française ayant fait ses études en Pologne. Le workshop
Angénieux a permis d’observer de plus près la manipulation des IOP qui sont des filtres internes aux optiques placés à différents endroits servant à personnaliser l’image de manière uniforme sur tout un film. Nous avions eu la chance de pouvoir les tester sur l’atelier CinémaScope avec Jean-Yves Le Poulain et c’était ici intéressant de voir une gamme plus large et des utilisations différentes. La gamme Ultra Compact présentée en même temps grâce à un opérateur Steadicam est toujours impressionnante de légèreté et d’ergonomie en offrant un zoom Full Frame de très bonne qualité.
Les discussions entre nous sont aussi des moments précieux permis par ce genre d’événements. Trouver notre place dans ce monde de cinéma entre autant de professionnels jeunes ou très expérimentés se fait en discutant de nos goûts, de nos envies en termes de méthodes de travail et esthétiques en ayant les films à analyser et tous les nouveaux outils à expérimenter comme appuis. Ce fut une semaine très dense où beaucoup de moments feront écho encore longtemps, en prenant sens dans nos pratiques.
Merci encore à Angénieux pour l’aide apportée au voyage, à l’AFC et à La Fémis.