Vieux jeu, mais amoureux de la pellicule

Des propos de John Seale, ACS, ASC

Dans une série de onze entretiens recueillis à Plus Camerimage 2011 par la journaliste britannique Madelyn Most, des directeurs de la photographie font part de leurs réactions concernant l’impact des technologies numériques sur leurs responsabilités et leur travail au quotidien.
Nous publions ici la traduction en français des propos du DP australien John Seale, ACS, ASC.

C’est un peu vieux jeu, mais moi, je suis un amoureux de la pellicule : elle est tellement belle !

En tant que techniciens, nous sommes à l’aise avec elle, assurés de savoir exactement ce que nous allons obtenir. J’apprécie tellement de pouvoir partir en tournage sans avoir à me soucier de problèmes techniques.
Par le passé, quand on nous proposait de faire un film en tant que chef opérateur – c’est un western, une comédie romantique, dans tel pays, avec tels acteurs –, il n’était jamais question de " format ", de matériel caméra, de chaîne de travail.
Quand on sortira de l’actuelle phase de bouleversement technologique, on pourra à nouveau se consacrer au film et refaire enfin du cinéma.

Peut-on dire aujourd’hui À QUI revient la part visuelle dans la fabrication d’un film ? J’en doute. Établir qui est effectivement l’auteur de l’image cinématographique prendra un certain temps. Si nous n’intervenons pas, la diminution en cours de la responsabilité du DP sera acceptée comme la norme et les films seront l’œuvre d’un comité de décideurs.

On dit souvent que le numérique est l’égal de la pellicule, ou qu’il la dépasse. Rien d’étonnant à cela, lorsque l’on tient compte de l’investissement massif en R & D effectué dans ce domaine. Mais en fin de compte, le numérique aurait besoin de retrouver la simplicité de la pellicule négative.
L’intermédiaire numérique [DI, pour " Digital Intermediate "] est devenu un cauchemar, enchaînant problèmes et déceptions, et privant progressivement les opérateurs de la maîtrise de l’image et de leur travail. Avec l’introduction d’une foule de nouveaux intervenants, cela va de mal en pire.

Le numérique n’a pas à être l’équivalent de la pellicule. C’est une question tout à fait provisoire mais, à mon avis, la qualité d’un film repose surtout sur le scénario, le jeu des comédiens, la mise en scène, le montage et le travail de la caméra.

L’image doit-elle vraiment être parfaite ? Seulement 9 % des spectateurs à travers le monde regardent l’image en tant que telle. La qualité de celle-ci est le dernier de leurs soucis. Leur attention se focalise plutôt sur le sujet ; ils sont conscients surtout de leur propre degré d’implication. Donnez-leur un bon scénario, des acteurs formidables, de la musique top niveau, et vous aurez des rires et des pleurs, toute la gamme des émotions que le metteur en scène veut pouvoir obtenir, même avec les caméras et les optiques les plus rudimentaires. Car c’est bien là le secret d’un cinéma de qualité, plutôt que dans la qualité de ses images.

(Merci à Donald Moerdijk pour cette traduction de l’anglais)

  • Lire ou relire les propos en anglais des onze directeurs de la photographie.