L’Étoile filante

Premier échange avec Dominique Abel et Fiona Gordon : L’Etoile filante sera un film noir… en couleur… et burlesque.
Parmi leurs références, Aki Kaurismaki, notamment L’Homme sans passé.
Notre recherche à l’image s’est donc faite dans le sens de la stylisation. Créer des ombres portées, des contre-jours, mais ne pas être dans une ambiance uniformément dense qui aurait fait disparaitre la saturation des couleurs. Et pour que le burlesque fonctionne, il faut voir les corps.

Travailler avec Abel & Gordon est un mélange, pas si contradictoire, d’extrême précision et de grande liberté. Ils préparent très en amont, testent chaque scène avec leurs comédiens, les gestes, le rythme. Mais restent ouverts à toute idée qui serait meilleure que ce soit en prépa ou sur le tournage. Et ils savent dire ce qu’ils n’aiment pas, ce qui est très pratique.

Le choix du plein format s’est imposé assez naturellement pour avoir des plans larges, même en intérieur, en évitant les déformations des focales courtes, j’ai travaillé sur ce film avec la Sony Venice 1. Pour ce qui est des optiques, j’ai choisi la série Thalia de Leitz notamment pour leur résistance aux flares, que Dom et Fiona apprécient peu, et pour leur très beau rendu sur les visages. Chez TSF, Feriel Benouarka, Aurélien Branthomme, Franck Techer et Fred Valay ont été d’une grande aide pour trouver l’équation parfaite, rentrer dans notre budget sans renoncer à nos envies artistiques.

Abel & Gordon sont très fidèles, ils ont des collaborateurs de longue date qui sont à leurs côtés de films en films, notamment le chef décorateur Nicolas Girault et la costumière Claire Dubien. Les couleurs si vives du film se sont décidées au fur et à mesure de la préparation et avec des apports de chacun. Par exemple pour l’extérieur "Etoile filante", Abel & Gordon avaient trouvé un coin de rue à Bruxelles qui convenait très bien mais manquait de caractère, ils avaient repéré un autre lieu qui ne convenait pas mais ils aimaient la façon dont sa couleur le singularisait. J’ai bricolé un nouveau visuel en repiquant la couleur de la référence. Et à partir de cette proposition l’équipe déco a fait bien mieux.

A g : photo de repérage du décor choisi - A d : photo de repérage du décor non retenu
A g : photo de repérage du décor choisi - A d : photo de repérage du décor non retenu


Photo de travail retouchée (à g) et l'équipe déco au travail (à d)
Photo de travail retouchée (à g) et l’équipe déco au travail (à d)


"L'Etoile filante" - Photogramme
"L’Etoile filante"
Photogramme


Pour les nuits (hors réverbères), Dom et Fiona m’avaient dit qu’ils n’aimaient pas les nuits bleues, j’ai donc cherché une nuance de bleu-vert (peacock) qui rappelait le bar.

"L'Etoile filante" - Photogramme
"L’Etoile filante"
Photogramme


Claire Dubien, la costumière, a trouvé pour le personnage de Kayoko, notre femme fatale, interprétée par la chorégraphe et danseuse Kaori Ito, plusieurs robes rouges, couleur qui jouait en belle complémentaire de ce bleu-vert.

Nous avons confronté ces couleurs les unes aux autres lors d’essais filmés avec les réalisateurs/comédiens, les costumes et en arrière-plan des références des couleurs des décors. Lors de ces essais, nous avons notamment décidé de limiter notre utilisation de la fumée, pour ne pas affadir les couleurs. Et avec le chef électricien, Philippe Wegiel, nous avons convenu de garder la majeure partie du temps, au moins une source de lumière neutre en couleur afin de préserver la couleur des peaux et la justesse des couleurs les unes par rapport aux autres.
A partir de ces images, une soirée chez Poly Son, avec le concours de Kevin Stragliati, a permis à Natacha Louis, l’étalonneuse du film, d’élaborer deux LUTs de tournage, une pour les intérieurs et les extérieurs nuit, une pour les extérieurs jour, elles se sont révélées très fiables. Nous n’avions pas de rushes étalonnés, seules ces LUTs ont été appliquées sur les proxys pour le montage.

Essais "L'Etoile filante" + LUT
Essais "L’Etoile filante" + LUT


"L'Etoile filante" - Photogramme
"L’Etoile filante"
Photogramme


Au fur et à mesure du tournage, les stills de chaque séquence finement choisis par Charlotte Bouché chez Poly Son m’ont aidé à parfaire la continuité esthétique qui se dessinait au fil d’un tournage de neuf semaines, protéiforme et absolument pas chronologique.

Le film s’est tourné en trois blocs, le rez-de-chaussée du bar "L’Etoile Filante" au théâtre Thénardier à Montreuil, les extérieurs à Bruxelles et tout le reste sur le plus grand plateau des studios de la Victorine à Nice. Tout le reste, c’est-à-dire tous les autres décors intérieurs, mais aussi, et c’est une particularité du cinéma d’Abel & Gordon, tous les plans en voiture et certains extérieurs qui ont été tournés en rétro-projection.
C’est une artificialité totalement assumée, voici ce que disait Dominique Abel lors de la conférence de presse du festival de Locarno : « On est dans la transposition. On sait que c’est faux, on sait que les spectateurs savent que c’est faux et on espère que les spectateurs savent qu’on sait que c’est faux. »

Ces rétro-projections nécessitaient de nombreuses pelures dont les prises de vues ont été effectuées en parallèle du tournage de l’équipe principale à Bruxelles par Jean-Christophe Leforestier et Alexandre Xenakis, deux autres collaborateurs fidèles d’Abel & Gordon.

Photos de plateau - Photos Clémence Dirmeikis
Photos de plateau
Photos Clémence Dirmeikis


Photo de plateau - Photo Laurent Thurin-Nual
Photo de plateau
Photo Laurent Thurin-Nual


"L'Etoile filante" - Photogramme
"L’Etoile filante"
Photogramme


Autre particularité de L’Etoile filante, Dom, le jardinier dépressif, est le sosie de Boris le barman, tous les deux interprétés par Dominique Abel. Certaines séquences où ils apparaissent tous les deux ont été gérées avec de simples doubles passes. Le cadre était loqué, nous tournions avec Boris, il partait ensuite au maquillage et 45 minutes plus tard, il revenait métamorphosé en Dom et nous tournions à nouveau.

Photo de plateau - Photo Pascale Marin
Photo de plateau
Photo Pascale Marin


Même pour les séquences, où des interactions plus complexes entre les deux sosies ont rendu l’intervention des VFX nécessaires, nous partions d’une base la plus aboutie possible.
Ainsi pour cette séquence où il y a un véritable jeu de miroir entre Dom et Boris, nous avons tourné une première passe avec Dom simultanément de profil avec la Venice et de face avec un Alpha 7S III. Pour la passe suivante nous avons placé face à Boris un écran sur lequel nous diffusions la prise choisie de l’Alpha et ainsi Dominique Abel pouvait se voir comme dans un miroir et s’imiter lui-même.

"L'Etoile filante" - Photogramme
"L’Etoile filante"
Photogramme


Eléa de Celles au point, Laura Marret à la machinerie, Philippe Wegiel à la lumière, leurs équipes et moi étions de nouveaux venus chez Abel & Gordon et on peut dire que la greffe a pris. Tous les corps de métier s’entraidaient et nombreux étaient les plans où tout le monde avait quelque chose à faire pendant la prise : vent, changement de lumière, mouvement de caméra, manipulation d’accessoire. Ce tournage a consisté en neuf semaines de plaisir à travailler au sein d’une vraie troupe de gens extrêmement investis et sympathiques pour qui le mieux n’était jamais l’ennemi du bien.

Quelques mois après, au moment de l’étalonnage, Natacha Louis a pu affiner sans changements majeurs tant les directions amorcées dès la préparation et concrétisées au tournage étaient cohérentes. Elle a toujours su trouver le demi point qui allait satisfaire à la fois Dominique Abel et Fiona Gordon qui n’ont pas exactement le même œil mais qui forment un couple de créateurs où jamais l’un ne l’emporte sur l’autre, c’est la solution qui leur plaît à tous les deux qui est la bonne.

Équipe

Première assistante opératrice : Eléa de Celles
Deuxième assistante opératrice : Louise Autain
Data Manager : Paolo Sabouraud
Assistante opérateurrice renfort : Diane Plas et Gaspard Cresp
Cadreurs pelures : Jean-Christophe Leforestier et Alexandre Xenakis
Opérateur Steadicam : Denis Warnier
Chef électricien : Philippe Wegiel
Electriciens : Nicolas Maigret et Antoine Labadie
Cheffe machiniste : Laura Marret
Machiniste : Camille Conroy
Machinistes renforts : Dorian Pirot et Emilien Marret
Etalonneuse : Natacha Louis

Technique

Matériel caméra : TSF Caméra (Sony Venice et série Leitz Thalia)
Matériels lumière et machinerie : TSF Lumière et TSF Grip
Laboratoire : Poly Son, avec le concours d’Ike No Koi
VFX : CGEV, Benuts

synopsis

Boris est un barman qui vit dans la clandestinité après son implication dans un attentat. Son passé refait surface quand une victime le retrouve pour se venger. La rencontre avec le dépressif et solitaire Dom, son sosie, est le moyen parfait pour échapper à la vengeance. Mais Boris ignore l’existence de Fiona, détective privée, qui enquête sur la soudaine disparition de son ex-mari Dom.