Les Jeunes amants

J’ai adoré sa franchise, c’est trop chic quand on t’appelle pour autre chose que ce que tu fais d’habitude, quand tu n’es pas mise dans une case… Le scénario me touchait énormément, un grand mélodrame, moderne pour son histoire d’amour entre une femme âgée et un homme plus jeune de 25 ans et décrivant avec sensibilité la complexité des relations humaines. « Nous allons y arriver ensemble », m’a-t-elle-dit, et voila que c’était parti !

Carine aime partager et faire participer tout ses collaborateurs/trices, c’est très précieux. Dès le début elle travaillait sur un document contenant le scénario, des photos de références pour les ambiances, la déco, pour la lumière, le cadre. C’était des clichés en noir et blanc, en couleurs, en formats multiples, des notes de mise en scène, des intentions. Ce document a été complété par des photos de découpage, faits sur les lieux de tournage. Nous avons passé (beaucoup :-)) de joyeux moments avec le premier assistant, la scripte, Carine et moi-même pour jouer les scènes, chercher les bonnes distances, les ressorts aux mouvements, les axes… Au final, comme la préparation a été à rallonge (entrecoupée par un virus), notre "bible" a atteint 664 pages :-).
Carine a partagé ses films référence (La Fille de Ryan, de David Lean, Bleu, de Kieslowski…) et une "playlist" avec toute l’équipe. Travaillant d’habitude avec relativement peu de références, j’ai bien aimé ce processus, c’était de la nourriture artistique pour être sur les même rails ensemble. La multitude et diversité des références m’a permis de ne m’attacher réellement à aucune, mais de trouver les sensations qui devaient se dégager des séquences, tout comme la "playlist" compilée par Carine, que j’écoutais pour faire mes plans d’éclairage…

Carine : « Pour Shauna, il me fallait trouver une actrice qui assume pleinement son âge et puisse incarner cette "femme flamboyante qui traverse l’existence sur la pointe des pieds". Il faut du courage à une actrice pour accepter un tel rôle : aborder frontalement la vieillesse et la mort ».

Fanny Ardant a eu ce courage et... Pour démarrer, j’étais tellement impressionnée que j’ai "raté" les essais… Eh oui, ça arrive… J’ai voulu trop y mettre, des recherches autours des visages, des couleurs, des textures, du maquillage, des costumes… Avec beaucoup de simplicité Carine a demandé que nous recommencions… et nous avons trouvé les personnages du film et la confiance :-). Une fois ce cap passé, travailler avec toutes et tous était pur plaisir, merci Melvil, Cécile, Florence, Sharif et évidemment Fanny !

En mise en scène, tout en travaillant avec des plans plutôt fixes et en longue focale (du mouvement caméra que là où ça nous paraissait indispensable et justifié) il nous importait de mettre de la vie partout : du vent, de la pluie, un rideau qui vole, des amorces, des reflets qui s’invitent au plan.
Petite dédicace à Gaby, formidable accessoiriste, poète et efficace, qui a participé à nos délires avec beaucoup de passion. Faire couler de l’eau noire sur du plexi pour projeter des ombres, faire voleter de la neige…
Carine était friande de mouvements de lumière, des phares qui éclairent le premier baiser, des éclairs qui éclatent (ratés parce que shutter bloqué :-))

En lumière notre axe de recherche était d’une part le mélange de couleurs. Le bichrome du prologue se décline durant tout le film. Et peut-être quand arrive la séquence en bord de mer en nuit américaine, les couleurs nous rappellent le prologue, le moment où a été semée la première graine de l’histoire d’amour de Shauna et de Pierre ?

Carine citait Bergman : « Filmer les visages comme des paysages ». L’âge est au centre du propos du film, il n’était pas question d’effacer les traces laissées par le temps. Embellir et ne pas lisser, trouver les textures pour éclairer les visages. Nous avons souvent travaillé avec des coucaloris en dentelle, doublés d’une légère soie. Jean-Marc, chef décorateur, a été (entre autres) très aidant sur les recherches de voilages matiérés sur lesquelles nous nous appuyions.
Nous avons tourné en RED Monstro avec une série Caldwell Chameleon, anamorphose 1.8 et des longues focales Hawk V+, anamorphose 2, filtré en Black Dots ou Black FX. Léonidas, notre pointeur, avait beaucoup de force de proposition, le choix du point et le flou jouant un rôle important dans la mise en scène.

Merci à Carine, à ma fidèle équipe image et à toute l’équipe (et spéciale dédicace à Margot et l’équipe régie, si nous avons pu éclairer certains décors selon nos envies, c’est qu’ils se sont décarcassés pour négocier l’accès pour nos projecteurs à des endroits improbables mais essentiels).

Bande annonce officielle