Témoignages en souvenir de Romain Winding, AFC

Contre-Champ AFC n°346


Passée la triste nouvelle du décès de Romain Winding, de nombreux témoignages, souvent élogieux, amicaux parfois, sont parvenus jusqu’à nous. Outre certains de ses pairs de l’AFC, plusieurs de ses collaborateurs et personnalités qui ont partagé à son côté sa passion pour le travail de l’image, de la lumière en particulier, évoquent en quelques mots ses qualités premières, tant artistiques qu’humaines.

Témoignages d’amis ou proches collaborateurs

Stéphane Cami, AFC
Romain,
Notre première rencontre remonte à l’été 1988 sur le tournage de Dandin, réalisé par Roger Planchon. Tu étais cadreur sur le film éclairé par Bernard Lutic, moi deuxième assistant caméra. A l’issue de ce tournage, tu m’as proposé de t’accompagner comme premier assistant sur tes prochains films.
Une longue collaboration débuta alors, avec de nombreux films aux côtés de réalisatrices et réalisateurs tels que Jean-Claude Brisseau, Benoît Jacquot, Pascal Kané, Caroline Huppert, Pierre-Oscar Levy, Jacques Otmezguine, Jacques Renard, Bernard Stora, Christian Vincent.
Autant de films, autant de bons souvenirs et d’expériences à ton côté. Tu étais toujours très calme, concentré, bienveillant et attentif aux autres.
A l’époque, pas encore de Kino Flo, le Softube Joker de K5600 apparaissait dans nos outils. Je me souviens de ta technique du "Calder" », un petit réflecteur constitué d’un morceau de poly recouvert de Soft Silver. Tu installais ce système léger en intérieur au niveau des plafonds en l’éclairant avec une source ponctuelle placée dans un coin de la pièce.
Il y avait aussi le "Bichichi", il fallait comprendre un petit réflecteur en Depron ou un morceau de drap blanc pour adoucir le contraste sur un visage. Un jargon personnel que j’utilise encore aujourd’hui…
Le soin avec lequel tu éclairais et cadrais fut un riche enseignement pour moi et je te dois beaucoup dans ma pratique d’aujourd’hui. Je garde en mémoire tant de beaux plans, ton travail était raffiné et délicat.
Notre dernière rencontre remonte à quelques années, lors d’une assemblée générale de l’AFC. Assis à mon côté, tu avais exprimé le plaisir de me revoir, un plaisir très partagé.
Discret sur ta maladie, je n’avais pas compris alors le mal qui te rongeait. Tu es parti trop vite et ton talent nous manquera.
Je pense aujourd’hui à Josiane, qui t’accompagna avec courage dans ta maladie, et à tes enfants.

Dominique Gentil, AFC
Romain, l’ami de toujours
En 1973, nous avions établi nos quartiers dans une rue de Sèvres, dans la banlieue est de Paris. Une municipalité conciliante avait laissé un groupe de jeunes, anciens du lycée de Sèvres et de Saint-Cloud, investir une ruelle de vieux immeubles destinés à la destruction. Les quatre appartements loués sont devenus rapidement une rue squattée par plus de 60 filles et garçons prêts à créer un espace de vie libre et créative. Romain en était et j’en étais. Si l’essentiel d’entre nous vivait de petits boulots, Romain était déjà assistant sur des films, et moi projectionniste dans un auditorium. Je ne crois pas me tromper en disant que nous n’avions pas de projet de cinéma. Nous étions tout simplement dans les bonheurs de notre vie communautaire.
Bousculant notre idéal collectif, les loulous Momo, Bébert et leurs potes nous harcelaient régulièrement et visitaient nos maisons. Romain était l’un des rares d’entre nous capable de pactiser avec nos agresseurs. Grand diplomate, il avait rendu possible la coexistence avec les loulous.
Je dois à Romain de m’avoir ouvert la porte du long métrage en me présentant à Bernard Lutic dont je suis devenu l’assistant.
Et surtout, nous avons partagé des moments complices dans les moments heureux et difficiles de nos vies.

Romain, le directeur de la photo
Un jour, se confiant avec humour, Romain lâchait : « Oui, j’aurais aimé m’appeler Marcel. Au comptoir d’un bistrot, cela passe mieux ». Mais il s’appelait Romain et ses parents Andréas, grand directeur de la photo, et Geneviève, qui, elle, avait reçu, en 1976, le premier César du montage.
Nous parlions de nos tournages en cours. En 1981, Romain cadrait La Femme de l’aviateur pour Éric Rohmer et Bernard Lutic était le directeur de la photo. Deux personnes à l’image, Rohmer n’autorisant ni assistant ni électricien. L’esprit ingénieux de Bernard et de Romain s’en arrangeait. Avec malice, Bernard disait de Romain qu’il était indispensable qu’il tînt le cadre : « Il a la culture pour comprendre les demandes intellectuelles de Rohmer ».
Repassant sa filmographie, je me suis étonné de la diversité des réalisateurs avec lesquels Romain avait collaboré : Jean-Claude Brisseau, Benoît Jacquot, Dany Boon, Frédéric Mitterrand... Respectueux de toutes les différences, Romain savait entendre les demandes des metteurs en scène et les mettre en œuvre. Romain savait prendre la place du technicien de cinéma avec une sérénité et une tranquillité apparentes...

Romain, le bâtisseur
C’est en Ardèche que Romain a poursuivi son rêve communautaire, dans un village en ruines qu’il avait à cœur de reconstruire.
Et ensuite, c’est dans sa maison de famille, aux Vans, qu’il reconstruisait. Je le revois relevant les terrasses effondrées, de ses mains longues et fines. Il plaçait ses pierres avec une précision d’orfèvre, une précision certainement comparable à celle avec laquelle il établissait sa lumière, plaçant un volet au millimètre près.
Au cours de sa maladie, son corps s’éteignait mais pas ses mains. Soudainement, elles s’animaient. Avec des gestes d’une lenteur quasi solennelle, elles remettaient en place un abat-jour penché, elles éteignaient ou rallumaient la lumière, elles délimitaient un cadre...

Romain, l’époux
Josiane était scripte, passionnément. Jusqu’à ce qu’elle arrête tout. Pendant plus de quatre ans, dans leur maison d’Ardèche, elle a voulu et su rendre plus douce la terrible descente de Romain vers la dépendance totale. Faisant continuellement aménager leur maison pour qu’il conserve sa mobilité, organisant toute une équipe veillant sur sa stimulation physique et cérébrale, veillant elle-même au fil des heures, journée après journée. Grâce à son énergie, Romain ne s’est alité que quelques jours, avant son grand départ. Sa fin de vie aura été leur combat.

Romain Lacourbas, AFC
Du tout premier film où j’ai eu la chance de faire partie de son équipe image, je me rappelle ses yeux profondément bleus qui, mariés à son large sourire, lui donnaient cette expression de bienveillance mêlée d’espièglerie. Il aimait transmettre, Romain, il aimait faire confiance, il aimait les gens du plateau. Sur le tournage il avait un air sérieux et concentré mais le petit trait d’humour n’était jamais bien loin et souvent placé dans les moments les plus inattendus.
Étant son homonyme, il avait établi cette routine que de commencer chacun de nos échanges sur le plateau par l’utilisation de notre prénom, même pour la phrase la plus courte. C’était devenu un jeu auquel je me prêtais bien volontiers, une marque de connivence qui détendait l’atmosphère et me donnait la fière impression d’être son complice.

Philippe Lardon, AFC
J’ai rencontré Romain sur le premier long métrage de Bernard Rapp, Tiré à part.
A l’époque, j’étais second au côté de William Watterlot. Nous formions comme une petite famille et c’est ainsi, lorsque William est devenu directeur de la photo, que j’ai pris la relève en tant que 1er assistant. Durant une dizaine d’années, ce fut un enchaînement et un enchantement de tournages : Benoît Jacquot, Jean-Claude Brisseau, Mehdi Charef, Gabriel Aghion, Antoine Santana et bien d’autres…

Romain Winding sur le tournage de "Belle maman", de Gabriel Aghion, en 1998 - Photo Géraldine Rouillon
Romain Winding sur le tournage de "Belle maman", de Gabriel Aghion, en 1998
Photo Géraldine Rouillon

C’était un bonheur d’être à ses côtés. Son travail le passionnait, il construisait sa lumière autant qu’il la vivait, concentré, précis, il jouait savamment avec les lumières douces et indirectes, en rebond avec ses "Calder", comme il aimait les appeler (fabriqués avec minutie par ses chefs électros). Très rigoureux dans ses installations, il cherchait toujours à magnifier ses actrices et acteurs avec une lumière élégante, à son image. Ce petit côté "so British" qui lui allait si bien. Romain, c’était la classe, toujours.
Parmi les souvenirs les plus marquants avec lui, je retiens un tournage de documentaire sur la grotte Chauvet réalisé par Pierre Oscar Levy. Nous avons eu l’immense privilège de descendre dans l’authentique grotte. C’était magnifique de le voir filmer au milieu d’un enchevêtrement de peintures pariétales. Dans cet abîme unique et incomparable, il vivait ces instants avec la même force que lorsqu’il soignait la lumière sur une actrice.
C’était ça aussi, sa passion pour l’image.
Merci à toi Romain !

Philippe Lardon, à la caméra, et Romain Winding sur le tournage de "L'Abbaye du revoir", de Jérôme Anger, en 2004
Philippe Lardon, à la caméra, et Romain Winding sur le tournage de "L’Abbaye du revoir", de Jérôme Anger, en 2004

William Watterlot, directeur de la photographie
Quelle chance de t’avoir rencontré, Romain, d’avoir partagé avec toi mes dernières années d’assistanat à ton côté. Ta finesse, ton élégance et ta rigueur, parfois excessive 😉, m’ont tellement aidé à démarrer ma vie de chef opérateur, que tu as toujours suivie avec tellement de bienveillance. Le bonheur se lisait dans tes yeux bleu électrique quand tu éclairais tous ces visages qui sont venus jusqu’à toi. Tu es parti beaucoup trop tôt, il nous reste tous ces films que tu as magnifiquement mis en lumière. Que ton étoile illumine nos vies encore longtemps. Une pensée émue bien sûr pour Josiane, Claire et Arthur, qui ont su t’entourer jusqu’au bout. Bon voyage !

Malik Brahimi, directeur de la photographie
Romain, c’était une prestance, une délicatesse, un calme, une vraie présence. Mais il était aussi très drôle, et toujours enclin à la plaisanterie (en tous cas avec moi !).
J’ai eu la chance de le côtoyer sur dix films et téléfilms, comme second à la caméra d’abord, puis premier, et enfin cadreur. Romain faisait passer, il faisait confiance aux jeunes, c’était une démarche normale et apparemment nécessaire chez lui. Probablement parce que la proximité et la confiance étaient pour lui plus importantes que l’expérience, ou quelque chose comme ça.
Et puis il y avait son travail, sa lumière. Romain avait un vrai style, en tous cas des marques souvent reconnaissables, je pense notamment à ses grandes arrivées de lumière chaude, parfois franchement audacieuses, ce qui pouvait trancher avec son caractère si "tempéré".
Romain était comme une alliance du calme et de la fougue, dans la vie comme sur l’écran. Et cela dit toute la valeur de cet homme, et la tristesse qui est la nôtre de le voir parti.

Malik Brahimi et Romain Winding sur le tournage du "Cochon de Gaza", de Sylvain Estibal, en 2010 - Photo Marilyn Productions
Malik Brahimi et Romain Winding sur le tournage du "Cochon de Gaza", de Sylvain Estibal, en 2010
Photo Marilyn Productions

Stéphane Assié, chef électricien
Je me souviens des chemises blanches de Romain, jamais froissées, du regard qu’il posait sur les êtres et les choses d’une douceur inouïe, tout comme sa voix, incapable d’un gros mot ni d’élever le ton. Il était bien élevé !
Il savait néanmoins se faire comprendre et l’exigence que nécessite "sa" lumière anglaise nous en a fait remuer, de la fonte... Il aimait éclairer, ses grands yeux bleus pétillaient à la vue d’un 18 kW adouci par une soie naturelle à chaque fenêtre.
Nous ne t’oublierons pas !

Autres témoignages

Jean-Philippe Blime, producteur
J’ai fait deux films avec Romain. Le premier était Le Cahier volé, de Christine Lipinska, en 1992. C’était alors mon premier film en tant que premier assistant réalisateur, autant dire que ce fut intense... Nous tournions dans l’arrière-pays niçois. Romain était arrivé très en amont du tournage pour la préparation, et nous habitions ensemble chez la réalisatrice. Nous avons ainsi pu tisser très rapidement une complicité et une amitié solide avant l’arrivée du reste de l’équipe. Romain avait rapidement compris ma fébrilité et ma fragilité face à une responsabilité nouvelle. Je n’oublierai jamais sa bienveillance avec moi car contrairement à certains autres il m’a immédiatement considéré comme un "pro". Puis le reste de l’équipe est arrivé, en commençant par la scripte que nous sommes allés accueillir à l’aéroport. Romain, qui n’avait rien à faire à ce moment, s’est proposé de nous accompagner. Je n’oublierai jamais cet instant où, comme dans Nous nous sommes tant aimés, le temps a semblé se figer dans l’aéroport de Nice, ne laissant que deux personnes irradiées instantanément par la magie de la rencontre : Romain et Josiane...
On connait la suite.

Sur le tournage du "Cahier volé", de Christine Lipinska, en 1992
Sur le tournage du "Cahier volé", de Christine Lipinska, en 1992

Le deuxième film était Le Cochon de Gaza, en 2010. 18 ans avaient passé. J’étais toujours en contact avec Romain et Josiane car nous avions pris l’habitude de célébrer régulièrement l’anniversaire de leur rencontre. J’étais en quelque sorte leur "parrain" ! Cette fois, j’étais producteur, et je devais composer une équipe bienveillante autour d’un réalisateur novice qui n’avait quasiment jamais mis les pieds sur un plateau. C’est donc naturellement que j’ai pensé à Romain, celui dont j’étais certain du professionnalisme, de la sensibilité artistique, de l’écoute et de la bienveillance, la même qu’il avait eu à mon égard 18 ans plus tôt. Et je ne m’étais pas trompé : ce tournage, très difficile, dans une langue étrangère avec 19 nationalités différentes sur le plateau, un budget serré, en mer, avec des animaux, des enfants, et avec un cadre politique très tendu, fut une merveille. Certainement mon meilleur souvenir de tournage. Romain a été l’un des piliers de la magie de ce film, gardant son éternel calme face aux éléments, et gérant parfaitement l’un des premiers tournage français en HD, et sans caméra de secours ! Nous étions tous tellement fiers par la suite d’obtenir le César du meilleur premier film.

Romain Winding, chapeau et bras levés au centre, entouré de l'équipe du "Cochon de Gaza", de Sylvain Estibal, en 2010 - Photo Marylin Productions
Romain Winding, chapeau et bras levés au centre, entouré de l’équipe du "Cochon de Gaza", de Sylvain Estibal, en 2010
Photo Marylin Productions

Par la suite, nous nous sommes recroisés à l’occasion de quelques projets malheureusement avortés, car il n’était plus question dorénavant de faire un film sans Romain !
J’aimerais tellement pouvoir prononcer cette phrase encore aujourd’hui...

Yves Cape, AFC
Je ne connaissais pas personnellement Romain mais bien évidemment je me joins à toutes et à tous pour ces messages de support à sa famille.
Étrangement, sans le connaître, chaque année, parmi de nombreux extraits, je présente un extrait d’un film dont il a fait la photographie aux étudiants et étudiantes à qui j’essaye d’inculquer la passion de notre métier mais aussi le métier.
Cet extrait justement montre le savoir-faire de Romain, la façon simple avec laquelle il protégeait une actrice plutôt que de l’éclairer.
Cela reflète bien évidemment tout son savoir-faire que l’on peut voir ailleurs dans sa filmographie mais surtout cela montre, comme les témoignages de ses proches le montrent, ce qu’il était : simple et discret.
Amitiés à toute sa famille.

Richard Deusy, étalonneur
J’ai travaillé avec Romain dans les années 1990 à 2000 où les films s’étalonnaient en photochimie et il me confiait régulièrement la partie vidéo (étalonnage sur télécinéma).
Son exigence et sa précision m’ont beaucoup apporté, il était toujours soucieux du moindre détail pour servir la réalisation.
Je suis très honoré d’avoir pu croiser son chemin.

Claude Garnier, AFC
Je me souviens de l’homme magnifique qu’il était.
De son amour de son métier et du cinéma.
Quelle tristesse.
Trop dur pour lui et ses proches.
Toutes mes pensées accompagnent sa famille.

Agnès Godard, AFC
Une bien violente réalité que d’accompagner Romain au cimetière de Saint-Cloud.
Tout en côtoyant les collègues de l’AFC au gré du soleil et de la pluie parfois diluvienne,
je me suis souvenu de la rencontre avec lui, à l’IDHEC.
Il était moniteur image sur mon film de fin d’études, je devrais écrire notre film, Anne Baudry et moi, nous avions choisi de faire un long film à deux.
J’assurais le cadre et il faisait en grande partie la lumière.
Je garde le souvenir d’un homme calme, serein, souriant.
Il se dégageait de lui une onde très agréable, le plaisir.
Et les images qu’il faisait ressemblaient à sa manière d’être.
J’ai eu maintes fois l’occasion, comme vous tous certainement, de retrouver cette sensation en voyant tous les films sur lesquels il a travaillé.
Ses images renouvelées, toujours plus accomplies, n’ont jamais perdu cet ADN.
Elles sont là alors qu’il s’en est allé, bien trop tôt.

Benoît Jacquot, réalisateur
La première fois que j’ai rencontré Romain, au café Zimmer, place du Châtelet, j’ai su immédiatement qu’on se passerait de raisons, d’explications et autres arguties, son regard extraordinaire me disait qu’on s’entendrait – et ça aura duré des années et beaucoup de films –, de quoi construire sans calcul une amitié vraiment intime : la lumière qu’il envoyait littéralement sur ce que je filmais en m’appuyant sur lui, cet éclairage, dans tous les sens du mot, qui veillait sur la beauté, quoi qu’il arrive. J’aimais Romain et je t’aimerai.

Pascal Judelewicz, producteur
J’ai d’abord rencontré Josiane, rencontre que je considère comme une chance dans ma vie, et puis elle m’a présenté Romain avec qui j’ai adoré travailler. Romain illuminait nos plateaux par son talent et aussi nos vies par sa gentillesse, son ouverture d’esprit, sa disponibilité. Les mots qui le racontent parlent aussi de son métier : solaire, irradiant, lumineux, doux, brillant, chaleureux. C’était un technicien parfait, un artiste talentueux, un être humain génial et j’aime à croire un précieux ami. Romain, comme Josiane, était de ces êtres particuliers dont la rencontre vous enrichie.
Il continue d’illuminer ma mémoire.

Nelly Kafsky et Jacques Otmezguine, productrice et réalisateur
Cher Romain,
Tu es là tout proche de nous, ton si joli sourire et tes beaux yeux bleus malicieux et bienveillants nous accompagneront toujours.
Dans Le Rêve d’Esther, cette série autobiographique qui est chère à mon cœur et dont tu as su magnifier à l’écran sous la houlette de Jacques Otmezguine et par ta caméra magique, la grâce des actrices, des acteurs (Ludmila Mickaël, Lisa Martino, Sam Karmann, Dominique Guillo, Catherine Arditi, etc.) et le ciel lumineux d’Istanbul contrasté avec la grisaille de Paris.
Et puis il y a eu d’autres aventures ensemble : avec Jacques, Les Secrets d’Elissa Rhaïs en Tunisie, Le Choix de Myriam, 2 x 100 minutes, de Malik Chibane, à Lyon où tu as su retranscrire la misère des Algériens émigrés, première et deuxième génération à leurs arrivées en France, avec Leïla Bekhti et Mehdi Nebbou… Puis nous sommes partis ensemble avec Haïm Bouzaglo en Israël raconter la naissance de ce pays à travers les histoires mouvementées et entrecroisées des juifs internationaux après la Seconde Guerre Mondiale avec Marie-France Pisier, Sara Forestier, Jocelyn Quivrin, Murray Head, Bernard Campan, etc. Ta patience d’ange face à un réalisateur impétueux et imprévisible mais talentueux nous a permis de signer une série témoin, originale et éternelle. Ces deux mini séries t’ont d’ailleurs valu le Grand Prix du Chef Opérateur au Festival de la Fiction à La Rochelle. Puis un long métrage, le premier du fougueux Philippe Locquet avec la pétillante Firmine Richard où tu as été plus qu’un chef opérateur car avec nous, tu as su cadrer au sens propre et figuré l’impatience de notre jeune metteur en scène.
Sans oublier La Laison des Rocheville, de Jacques Otmezguine (série phare de France Télévision, 5 x 1h30), tournée à Bordeaux, retraçant la destinée tumultueuse et inattendue de deux familles françaises de 1911 à 1980. Des centaines de comédiens, de figurants et une maison qui parle ! Souviens-toi que nous devions la livrer extrêmement vite pour une diffusion attendue très rapidement. Tu as été efficace et stoïque malgré les intempéries, l’urgence de chaque instant et l’énorme plan de travail que nous devions avaler chaque jour avec tous les changements de costumes, maquillages et coiffures car dans la même journée, nous changions plusieurs fois d’époque. Jacques a réussi grâce à ton travail et celui de toute l’équipe, une œuvre inédite, complète et pérenne.
Toutes ces aventures incroyables nous ont marqués à jamais et ont soudé nos liens. Nous pensons à toi, ta présence nous habite depuis le début de notre première rencontre. Tu es toujours là avec nous.

Frédéric Mitterrand, réalisateur, producteur, scénariste
Romain Winding était un poète de la lumière et de l’image, il a enrichi notre cinéma par la qualité et la générosité de son regard. Même si je n’ai pas eu le privilège de le revoir, il a littéralement sauvé mon film dans Paris vu par... 20 ans après, et il m’a été donné d’admirer ensuite son travail à travers tant de beaux films qui auront jalonné sa carrière, comme il a été si justement rappelé bien au-delà d’une profession qui le respectait et l’admirait.

Wajdi Mouawad, auteur, metteur en scène et cinéaste
L’art d’être Romain Winding
Il a regardé le soleil et m’a expliqué, qu’au jour du tournage, il se lèverait un peu au nord de l’est car nous serons au mitant de ce temps qui sépare le solstice d’été de l’équinoxe d’automne. Avec son regard toujours empreint d’une bonté immense, ses yeux qui souriaient même lorsqu’il fallait aller vite, il venait en quelques mots de me raconter l’histoire de la lumière. Il faut une humilité immense pour mettre la lumière dans un cadre. Romain ne violentait jamais rien, ne brusquait jamais rien, accompagnait toujours, acceptait sans cesse, aimait surtout. Dans l’élégance incessante de sa manière d’être, il obligeait, sans le savoir, sans même s’en rendre compte, à la tenue et à la mesure. Nulle vulgarité, nulle propension à la mascarade. Au contraire. Être humain doué de vision, il offrait son regard, il donnait son écoute, toujours plein d’amitié, jamais écrasant, jamais dominant. Fidélité, loyauté, probité, droiture. Des pierres précieuses.
Plus tard, quand on se croisait au théâtre avec Josiane, deviner son bonheur, ses yeux brillants d’émotion après le spectacle, le voir hocher la tête en signe complice, comme s’il me disait « oui, continue, reste sur ta ligne, continue à regarder droit dans le soleil », c’était rare comme trouver une bouteille d’eau fraîche au milieu du désert. C’est peut-être là, l’art d’être Romain Winding, serviteur d’Apollon, Dieu solaire, il avait le don de servir aussi les aveugles par sa capacité à comprendre la lumière. On dit souvent de quelqu’un qui meurt, qu’il a disparu. Romain, lui, s’est éteint, naturellement comme s’éteignent les plus belles étoiles, celles qui ont été tissées au fil même de la bonté et de l’humanité.

Antoine Santana, réalisateur et scénariste
Romain,
On s’est rencontrés sur le plateaux mais c’est la vie qui nous a unis avec nos proches à nos côtés. Tu es parti en t’éloignant doucement, discrètement de nous..., de ceux qui t’aimaient. Les personnes meurent bien sûr, la vie n’aurait pas de sens si nous étions éternels. Mais ceux qu’on aime ne nous quittent pas, ils s’absentent parfois, mais ils sont toujours présents. Nous qui sommes vivants, nous continuons à les faire exister. C’est notre manière de dire à la Mort qu’elle n’aura pas le dernier mot. Notre façon de lui dire que ceux qu’on aime ne meurent jamais.
Je t’embrasse.

Philippe Torreton, comédien
Il y a des noms dans ce métier qui nous sont familiers sans connaître les personnes. Des noms synonymes de bel ouvrage et d’excellence.
(Message posté sur le site LinkedIn de l’AFC)