Belle et Sébastien
Paru le La Lettre AFC n°237
Rien n’aurait été plus passionnant si le drame qui nous a touchés n’était venu ternir nos souvenirs de tournage. La disparition subite de Luc Drion, mon ami, mon frère ainsi que je l’écrivais dans la Lettre de l’AFC.
Nicolas, qui a découvert Luc sur ce film, appréciait sa sensibilité malgré son côté bougon, (lire ou relire un article de Nicolas Vanier) et lui a dédié ce film.
Je suis sûr qu’aujourd’hui Luc regarderait le film et ne manquerait pas de faire la critique de notre travail comme à chaque projet. Il avait cette force d’avoir le recul nécessaire sur le film une fois fini, force que je n’ai pas malheureusement. En cela il me manque aussi.
Alors de ce tournage, remercier bien sur mon équipe qui a su me soutenir, m’entourer et trouver l’énergie pour continuer notre travail ainsi que Luc l’aurait souhaité.
Nous avons tourné en trois périodes (printemps/été, automne, hiver). Nicolas souhaitait montrer au public un univers de montagne qu’il connaît bien, la vallée de La Maurienne, sous les trois aspects très différents de cette nature à couper le souffle et je crois que, malgré toutes les difficultés inhérentes à cette idée, il avait raison.
Mais, d’un point de vue logistique et technique, ce ne fut pas une mince affaire. Dans un budget bien trop serré, et une production un peu novice en la matière, c’était, malgré tout, comme tourner trois films.
Chaque époque avait ses contraintes (par exemple en été, l’impossibilité de traverser un champ sans l’autorisation du propriétaire) à l’acheminement parfois complexe du matériel (en 4 x 4, à pied, en motoneige et j’en passe) en automne et surtout en hiver. Et je remercie, en passant, nos amis de la régie et les personnes de la région qui ont fait un travail de forçats.
Je crois que Nicolas, au regard de ses deux précédents films, a certainement été beaucoup plus plongé dans la fiction et la direction d’acteurs.
Après une période non pas de méfiance mais d’apprentissage, nous nous sommes bien entendus, certainement dans une forme de complicité entre sa volonté de forcer le destin et les contraintes liées à la fabrication de ce film, où les paysages devaient s’intégrer à la fiction et n’être pas seulement un support visuel de l’histoire.
Cette complicité, je la lui dois aussi par son regard sur cette nature. Il est capable en conduisant de voir un chamois dans la montagne, d’apercevoir un décor qui lui conviendrait. Il partait seul, le week-end, dans une recherche instinctive et, chaque dimanche soir, nous ramenait toujours des décors somptueux ou des solutions à un décor trop complexe pour les moyens du film.
Dès le départ, Nicolas souhaitait tourner en pellicule 35 mm. Je défendais très fort ce point de vue d’autant que le film se situant en 1940, je tenais à avoir une esthétique avec du grain. Bien m’en a pris aussi car la facilité et la légèreté du 35 mm nous ont permis de faire face à des conditions de tournage complexes avec Nicolas Vanier qui, avec conviction, n’est pas toujours le plus calme des réalisateurs…
La production nous a suivis sur ce choix et heureusement car nous avons eu jusqu’à trois caméras parfois mais en 2 ou 3 équipes différentes, éparpillées avec seulement deux personnes qui partaient faire un paysage, un passage…
Un grand regret pourtant qu’à l’avènement du 4K, ce film n’existera jamais qu’en 2K.