Dis-moi juste que tu m’aimes

Nous avions un sacré quatuor sur ce film, Élodie Bouchez et Vanessa Paradis pour les actrices, Omar Sy et José Garcia pour les acteurs. Anne Le Ny se posait beaucoup de questions pour l’image de son film et plus généralement sur son esthétique, décors, costumes, lumières.

Quand on raconte une histoire avec des stars, faut-il apporter un soin particulier à l’image ? Faut-il une esthétique convenue ? À l’inverse, si on fait de la "non image", ça ne marche pas non plus.
L’histoire de Dis-moi juste que tu m’aimes se passe dans une petite ville de province avec des gens modestes. Omar est CPE dans un lycée et sa femme Élodie travaille à un poste d’assistante commerciale dans une grosse entreprise de moulage.

Anne et Omar, une direction d'acteur avec doigté - Photogrammes
Anne et Omar, une direction d’acteur avec doigté
Photogrammes


Anne voulait des décors intéressants, mais simples, rien d’ostentatoire. Une fois ces décors trouvés (repérages très réussis de Sophie Musset), Anne Le Ny voulait un beau film, sans que cela se remarque, un style retenu, en retrait de la comédie. L’idée est venue de trouver des objectifs qui auraient un rendu particulier, une signature. Anne est très "cinéma" et sur son précédent film, Le Torrent, nous avions choisi les optiques anamorphiques grand format, les P+S Technic Technovision Classics.
Grâce aux fameux tests d’objectifs de l’AFC, j’avais envie d’écarter toutes les créations récentes issues de l’arrivée du grand format. On se souvient du débat houleux suite à la projection de ces tests au Micro Salon…
Comme j’avais carte blanche pour la première semaine des élèves "Image" de 3e année à La Fémis, j’ai proposé d’inclure dans mon programme la recherche des objectifs du film. Je trouvais intéressant de leur montrer combien le choix d’une série influence incroyablement l’image d’un film. Ces objets, qui pourraient n’être que des merveilles de technologie se transforment sur un tournage en instruments artistiques avec un zeste de provocation. L’émotion du jeu passe au travers, en toute humilité…

Essais objectifs Cooke (TSF - La Fémis) avec Tatyana Militskaïa - Photogramme
Essais objectifs Cooke (TSF - La Fémis) avec Tatyana Militskaïa
Photogramme


Nous avons investi TSF et ses étagères d’optiques. Notre choix s’est porté sur les objectifs Cooke anamorphiques FF x1,8, en particulier pour les flous arrière qui apportent une présence remarquable des acteurs dans les décors et cette touche de décalage sur un univers quotidien. Mais utiliser ces objectifs à des petits diaphragmes ne pourrait se faire sans le talent de mon assistante Océane Lavergne.

Laurent Dailland et Océane Lavergne
Laurent Dailland et Océane Lavergne


C’est la première fois que j’utilisais ces Cooke et depuis j’ai déjà tourné deux autres films avec…
On a découvert aussi qu’ils étaient assez étanches, on a pris toutes les tempêtes bretonnes de l’automne 2023 !

Fichu temps...
Fichu temps...


Je voulais également évoquer pour ce film les problèmes que nous rencontrons tous aujourd’hui sur nos tournages. Les problèmes budgétaires, je dirais même plus, les coupes budgétaires. Je ne fais sans doute que jeter un pavé de plus dans la mare, mais de plus en plus nous avons à gérer le budget image de nos tournages. Demain on risque de nous demander, comme aux chefs décorateurs, de gérer le budget image complet de nos tournages, équipe comprise. On nous évoque les vases communicants. Je prends un 18 kW sur cette scène, mais pas de renfort. On prend un assistant monteur pour gérer les datas et les rushes. On supprime le data manager pour confier son travail au 2e assistant opérateur même quand il y a 2 caméras… On nous demande de faire un énorme travail économique en préparation, un fichier Excel, pour gérer à la journée, le moindre projecteur, le moindre accessoire caméra, la longueur du travelling. On nous supprime le groupe électrogène sous prétexte d’écologie alors que nos fournisseurs font tous des efforts dans ce sens pour avoir de l’énergie moins polluante. On veut surtout économiser le groupman ! Les packs-batteries au bilan écologique douteux envahissent nos plateaux et peuvent coûter plus cher qu’un groupe sur certains décors. Tout cela ne nous enlève-t-il pas une part de créativité, d’improvisation ?
Pour Dis-moi juste que tu m’aimes, le début de préparation avec quatre stars a commencé dans un optimisme financier, mais très vite le désenchantement est arrivé. Anne Le Ny a dû faire des coupes dans son scénario, des séquences chères ont été supprimées. Exemple : une course poursuite entre une voiture menaçante et un vélo s’est transformée en un coup de portière à un stop. Le grand plan de grue en T50 est devenu un plan fixe depuis la nacelle municipale et pour les autres plans de grue, on s’est contenté des 80 cm d’élévation de la dolly… etc.
Finalement, le tournage est même passé de 40 à 34 jours.
Une semaine avant le tournage, chaque service a dû faire une économie de 50 000 €.

Rien de mieux qu'une bonne vieille Ropelight pour nettoyer les LEDs pourries d'un bar
Rien de mieux qu’une bonne vieille Ropelight pour nettoyer les LEDs pourries d’un bar


J’ai tourné presque 70 longs métrages et c’est la première fois que j’ai dû changer de caméra à la veille du tournage. Mon assistante a remis sur les étagères la Sony Venice 2 avec laquelle on avait fait tous les essais d’optiques et comédiens pour prendre la Sony Venice 1, afin de faire des économies chez le loueur et sur les datas.
Jamais cela ne m’était arrivé…
J’ai évoqué la chose avec Laurent Grégoire, agent de trois des acteurs et de la réalisatrice. Il m’a répondu que tous avaient fait des "efforts" ; mais on n’a vraiment pas les mêmes règles de calcul.
On a la chance de faire un métier formidable et comme toujours tout cela est oublié quand on tourne. Mais je tenais à le dire.

  • Bande-annonce officielle :

    https://youtu.be/IlCFrmOSppw?si=cP-ZIMK-O00USUCn

Équipe

Première assistante opératrice : Océane Lavergne
Chef machiniste : Gil Fontbonne
Chef électricien : Pascal Pajaud
Coloriste : la talentueuse Isabelle Julien

Technique

Matériel caméra : TSF Caméra (Sony Venice 1 et série Cooke Spécial Flare FF anamorphic x1,8)
Matériels lumière et machinerie : TSF Lumière et TSF Grip
Labo : Hiventy/Transperfect

synopsis

Au bout de quinze ans de mariage, une crise met à l’épreuve l’union de Julien et Marie. Dans le couple, cette dernière a toujours été celle qui aimait le plus, aussi, au moment où Anaëlle, le grand amour de jeunesse de son mari Julien, réapparait dans le paysage, Marie panique. Perdue dans une spirale infernale de jalousie et d’autodépréciation, Marie se laisse entraîner dans une aventure avec Thomas, son nouveau supérieur hiérarchique. Celui-ci va se révéler aussi manipulateur que dangereux, jusqu’à faire basculer leur liaison dans le fait-divers.