Éloge de la "sprezzatura"
En 1478 déjà, un artiste avait découvert que pour atteindre un haut niveau de vérité, la perfection devait être rejetée.
Il y a 10 ou 20 ans, les jeunes hommes soucieux de leur apparence se mettaient du gel dans les cheveux, pour qu’ils aient l’air mouillés et comme sortant de la douche. Cela était parfois associé à une barbe très courte, pas même une barbe, plutôt un "je ne me suis pas rasé depuis trois jours", des baskets non lacées et les chemises sorties du pantalon. Ils se donnaient l’apparence d’être tout juste sortis du lit sans avoir eu le temps de se raser, de nouer leurs chaussures ou de se sécher les cheveux. C’est vite devenu une sorte d’uniforme qui, une fois répandu, le disqualifiait de la vraie "sprezzatura" ! C’est ainsi que j’ai rencontré ce concept, lié à la mode et au style masculin. Ce mot italien est apparu pour la première fois dans l’ouvrage de 1528 de Baldassare Castiglione Le Livre du courtisan, où il est défini comme « une certaine nonchalance, de manière à dissimuler tout art et à faire croire que tout ce que l’on fait ou dit l’est sans effort et presque sans aucune réflexion ».
Dans le monde de la cinématographie, la caméra portée, le grain et le flare ont été le gel capillaire que nous avons utilisé pour donner à nos images une esthétique plus naturelle, essayant de cacher des scènes écrites avec soin et longuement répétées derrière un aspect documentaire, voire même de reportage d’actualités, ce qui a finalement eu tellement de succès que c’en est devenu un cliché. Mais la recherche d’un supplément de naturel n’a pas besoin d’être grossière – nous savons que si elle réussit, elle deviendra trop tôt un trope, une figure de style – il y a des voies plus subtiles à explorer. [...]
- Lire l’article "In Praise of Sprezzatura", en entier et en anglais, sur le site de l’American Cinematographer.