Guillaume Rocheron, superviseur d’effets spéciaux "oscarisé"
Extraits d’un entretien avec Guillaume Rocheron
Un deuxième Oscar à 38 ans, ça fait quel effet ?
Ça surprend toujours, c’est très flatteur et un peu surréaliste, mais ça montre que le travail effectué contribue à raconter une histoire comme celle de 1917. Surtout ça récompense mon équipe de 600 personnes.
Ça récompense aussi l’excellence française dans votre domaine ?
Absolument. J’ai travaillé en France au début des années 2000, j’ai vu beaucoup de talents à l’œuvre, et partout dans le monde des Français travaillent dans le cinéma. Chez nous, la formation est d’avantage fondée sur l’artistique que sur la technique. Les Français qui créent des effets spéciaux numériques ont une sensibilité qui les différencie.
Comment définiriez-vous votre métier ?
Mon travail, c’est de trouver la solution pour tout ce qui est impossible à filmer. Je suis un architecte, qui dessine les fenêtres, les murs, et ensuite chaque expert intervient pour, par exemple, construire la baie vitrée qui n’a jamais été faite auparavant. Donc, ici, l’effet qui n’a jamais été conçu avant.
Par exemple ?
Dans 1917, le héros évolue devant une église en ruines et en feu... Il était impossible de détruire une véritable église ! On a construit, en studio, un système de lumières très puissantes sur cinq étages, programmées pour qu’elles varient selon des intensités et des couleurs différentes, afin de simuler la clarté des flammes*. [...]
Effets spéciaux et parcours
« Réussir les effets spéciaux sur ce film, c’est aboutir au fait que personne ne devine qu’il y en a, contrairement à d’autres grosses productions où l’on crée du fantastique, des créatures... 1917, c’est un travail tout en subtilité. On devait créer du réel, sachant qu’il y a 1h40 d’effets sur 2 heures de film ! En plus, il fallait donner l’illusion d’un plan-séquence, alors que le tournage a duré trois mois. Cela rejoint la notion des effets spéciaux "à l’ancienne", qui ne servaient pas à faire du spectacle mais à créer un tour de magie. »
« Je suis passé par l’école Georges-Méliès à Orly, puis j’ai travaillé chez BUF, avant de partir chez MPC, à Londres, Vancouver et désormais Los Angeles, où je supervise les effets spéciaux des films en amont, avec les réalisateurs. »
(Propos recueillis par Renaud Baronian, Le Parisien du samedi 22 février 2020)
* Lire ou relire l’entretien dans lequel le directeur de la photographie Roger Deakins, BSC, ASC, parle de son travail sur 1917, en particulier de la façon dont il a éclairé la scène de l’église en flammes.