Hommage à D. A. Pennebaker
Par Jimmy Glasberg, AFCEn 1960, Pennebaker collabore, caméra au poing, aux côtés de ses deux compères, aux prises de vues du film Primary, de Robert Drew. Ce film, sur la campagne électorale de John Kennedy, reste une référence absolue pour le cinéma direct. Raymond Depardon s’en est d’ailleurs inspiré pour son film sur Giscard…
Il réalise ensuite son premier court métrage : une rêverie urbaine sur le métro de NYC qui lui ouvre la porte pour accéder à la réalisation. Le manager de Bob Dylan le contactera pour réaliser le film, désormais légendaire, Don’t Look Back, où l’on pénètre dans les coulisses du "star–system" et dans la contre-culture des "sixties".
Il réalise ensuite, avec Leacock et Maysles à la caméra, le film sur le premier festival rock à Monterey. Ils créent un nouveau style pour filmer en live les concerts rock. Fasciné par les turbulences des années soixante, il s’engage dans le mouvement musical et politique.
Godard, intéressé par la démarche du cinéma direct, engage le groupe de New-Yorkais pour tourner avec eux One American Movie. Il laissera tomber en cours de route… En 1970, Pennebaker signe l’image du film de l’écrivain Norman Mailer puis il continue à réaliser de nombreux documentaires.
Pennebaker est un filmeur qui m’a personnellement marqué par sa démarche. Dans les années soixante, alors que je débutais dans le métier comme actualiste, j’avais utilisé la caméra "Auricon-coupé", qui était originellement une caméra de studio modifiée par les cinéastes new-yorkais.
On pouvait enregistrer le son synchrone directement sur le bord du support de la pellicule, soit dans un mode optique, soit sur une piste magnétique couchée. L’ingénieur du son avait son miro et sa table de mixage, qu’il portait appuyée sur le ventre, reliés par un fil à la caméra.
Cette caméra 16 mm avait des magasins de 120 mètres de film, elle était lourde et peu pratique. Elle était soutenue par un harnais métallique qui reposait sur les épaules. Notre corps se substituait au traditionnel pied de caméra. Il était quasiment impossible de faire un travelling correct en marchant. Elle était essentiellement utilisée pour les news des chaînes américaines.
Parallèlement, au Canada avec Michel Brault et en France avec Pierre Lhomme, le cinéma direct se développe utilisant des caméras auto-silencieuses portables et des magnétophones portatifs. L’arrivée de la caméra Eclair 16 de Coutant et Mathot a été une révolution. Elle m’a confirmé dans ce type de filmage en direct, la caméra sur l’épaule. Nous avons développé, comme l’ont fait les pionniers, l’improvisation de longs plans-séquences sonores en mouvement. Ainsi le "cameraman" est devenu un créateur interprète utilisant son corps et son instinct pour saisir des scènes du réel : une confrontation intime au travers du viseur avec les corps, les visages, les regards.
Merci à Pennebaker et à ses amis qui sont à l’origine de la naissance de ce magnifique cinéma direct, un cinéma en liberté qui correspond à mes débuts dans les années soixante !
- Voir ou revoir le documentaire The Camera That Changed the World, de Mandy Chang (2011) avec, entre autres, les témoignages de Robert Drew et D. A. Pennebaker.
En vignette de cet article, D.A. Pennebaker et son Auricon, en 2016.