Les négociations à propos des intermittents, fin d’un marathon, mais pas la fin de la bataille

par Clarisse Fabre

La Lettre AFC n°153

Le nouvel accord, selon le Medef, devrait faire faire 60 millions d’euros d’économies par an (sur un déficit des annexes 8 et 10 estimé à plus d’un milliard d’euros).
C’est la fin d’un marathon de réunions, mais ce n’est pas la fin de la bataille : l’accord du 9 mars est loin des revendications des intermittents... et des promesses du ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres.

La signature du texte n’aura pas lieu avant « le 31 mars », a indiqué M. Gautier-Sauvagnac : les négociateurs ont souhaité se donner « un délai » pour faire quelques « vérifications techniques et juridiques » avant de se prononcer. Officiellement, ils veulent étudier l’impact d’une mesure-clé de l’accord, l’article 1 introduit mercredi 8 mars et retouché jusque dans les dernières minutes, qui détermine les conditions de maintien dans le statut d’intermittent.

Les conditions d’accès, elles, restent identiques à celles prévues dans le protocole de juin 2003 (voir l’article " Les intermittents dans l’attente " dans la Lettre de mars sous la rubrique revue de presse).

Corriger un effet pervers de 2003

Les négociateurs ont établi une moyenne mensuelle de travail de 50,7 heures pour un technicien (507 heures/10 mois) et de 48,3 heures pour un artiste (507 heures/10,5 mois). Sur cette base, un technicien devrait réaliser environ 557 heures (507 + 1/10e) en onze mois pour rester dans le statut, 608 heures en douze mois, ou encore 659 heures en treize mois, etc. Un artiste, lui, devrait effectuer 531 heures en onze mois, 579 heures en douze mois, et ainsi de suite jusqu’à « quinze, seize voire dix-huit mois », a assuré M. Gautier-Sauvagnac.

L’article 1 ne rentre pas dans ce degré de précision, il indique simplement que la période de référence se situe entre deux bornes : le « début du dernier contrat de travail » non pris en compte pour l’ouverture des droits et « la fin du dernier contrat de travail » précédant la fin de droits. Objectivement, cette période de référence à la carte n’est pas plus généreuse que le protocole de juin 2003. En revanche, elle devrait laisser plus de souplesse pour réunir le socle d’heures nécessaire.

Cette mesure vise surtout à corriger un effet pervers de l’accord de 2003 qui aboutit, pour des raisons techniques, à ce que certaines heures travaillées ne sont pas intégrées dans le calcul des 507 heures. Pour les syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC, la période de référence à la carte serait « mieux adaptée » au cycle de travail des intermittents (saisonnalité, ruptures de rythme...). Evitera-t-elle à certains de sortir du système ? Les syndicats n’en sont pas sûrs. « Il faut voir qui y gagne, qui y perd », a résumé la présidente de l’Unedic et négociatrice de la CFDT, Annie Thomas.

(...) Pour le reste, l’accord du 9 mars aménage le protocole de juin 2003 : prise en compte des congés maternité, maladie, ou d’heures d’enseignement (pour les artistes) dans le calcul des heures. Il prévoit un traitement distinct entre techniciens et artistes (salaire journalier de référence, nombre de jours indemnisables par mois), estimant que les premiers ont été favorisés par le protocole de 2003, au détriment des seconds.

Surtout, le texte prévoit « le maintien du fonds transitoire » financé par l’Etat, qui permet, depuis juillet 2004, d’indemniser des intermittents exclus du protocole de juin 2003, mais ayant réussi à effectuer 507 heures en douze mois. En clair, le Medef n’est pas hostile à la revendication majeure des intermittents, du moment que l’Unedic n’en supporte pas la charge.

La balle est dans le camp du gouvernement. Pour l’instant, le premier ministre, Dominique de Villepin, s’est simplement engagé à maintenir une « solidarité nationale » pour les intermittents, via un fonds permanent « qui reste à définir ».

(Clarisse Fabre, Le Monde, 10 mars 2006)