Martin Scorsese et les DVD
Pour compléter la rétrospective intégrale des films de Martin Scorsese, on pourra voir une quarantaine de ces films qui ont contribué à sa formation, dont La Prisonnière du désert de John Ford, Cinq Fioretti de François d’Assise de Rossellini, Je vous ai toujours aimé de Frank Borzage, ou The Phenix City Story de Phil Karlson.
A noter également que tous les courts métrages de Scorsese seront projetés ainsi que son deuxième long métrage, un documentaire tourné lors d’une marche étudiante sur Washington en 1970, Street Scenes.
Informations sur le site www.centrepompidou.fr
Entretien
Lorsque vous êtes venu inaugurer la nouvelle Cinémathèque française, à Paris, vous vous êtes publiquement inquiété du fait que la projection en salles n’était plus qu’un épisode mineur de la vie d’un film. En quoi cela a-t-il changé votre travail ?
Maintenant, lorsqu’on travaille à la postproduction d’un film, on a les yeux fixés sur la sortie en DVD, qui devient plus importante que sa sortie dans les cinémas. De plus, le public attend des bonus, et, de ce fait, la production du DVD devient un fardeau. Or ces bonus sont devenus tout à fait conventionnels, le " making of " par exemple. Il n’y a ni critique ni discussion sur ces bonus, alors qu’il pourrait être intéressant d’organiser des discussions contradictoires. Les DVD sont l’équivalent de ces articles de journaux que les studios faisaient insérer pour promouvoir les films.
A qui sont-ils destinés ?
On dirait qu’il y a une nouvelle strate de spectateurs de cinéma qui s’intéresse exclusivement à la technologie plutôt qu’au film. Je veux dire à ce que le film raconte.
Vous voulez dire les gens qui sont passionnés par les effets spéciaux ?
Pas seulement. Il y a aussi les gens qui veulent démontrer que l’on n’a pas utilisé la première prise parce que, dans un plan de coupe, la cravate de l’acteur n’est pas bleue mais rouge. C’est absurde. Quand on va au cinéma, c’est pour prendre des notes sur chaque élément ou pour laisser le film vous envahir ? On en est à un point où il s’agit plutôt d’un jeu, le DVD est un jouet qu’il faut avoir chez soi. Il me semble que plus un film est éblouissant, plus les effets spéciaux recourent à la technologie, plus ce groupe de spectateurs veut savoir comment nous y sommes arrivés. Par là même, on perd la magie, le mystère du cinéma. Et je trouve que ça aussi, c’est une part du cinéma qui meurt. (...)
(Propos de Martin Scorsese recueillis par Thomas Sotinel pour Le Monde du 27 novembre 2005)