Les Derniers hommes

Après une première étude au Laos en 2020, balayée par le Covid, les repérages des Derniers hommes s’orientent l’année suivante vers la Guyane. David Oelhoffen arpente les coins les plus reculés de la jungle avec l’appui de la Légion étrangère avec qui Jacques Perrin avait déjà tourné. L’accueil de la communauté Hmong, originaire du Laos, située sur la commune de Cacao ancre définitivement le film dans la région.

Pour Jacques Perrin, attaché à la caméra légère de Raoul Coutard de la 317e section, comme pour David Oelhoffen, déjà aguerri à la caméra portée depuis Frères ennemis, le film doit être intégralement tourné à l’épaule. J’oriente mes tests autour de la Sony Venice avec le Rialto, combinée avec une série Zeiss Supreme Radiance.

Thomas Collet, premier assistant, configure la caméra ultra compacte et tropicalisée avec l’aide de Didier Grezes chez Next Shot, et organise la gestion du matériel à Cayenne grâce à l’expérience inestimable d’Adrien Valet second assistant qui n’aura de cesse de protéger les otiques, les batteries et le matériel de l’humidité (98 %).

Anna-Katia Vincent prend la direction de la seconde équipe en forêt avec une Sony FX3.

Laurent Passera confectionne une claie de portage pour le corps caméra et nous formons un binôme à l’épreuve des jungles les plus inextricables. Avec l’aide de Quentin Chanterel et ses frères guyanais, il constitue une équipe machinerie locale remarquable.

Frederick Vanard, chef électricien “IP 65” vient avec son équipe complète de Paris. Il affronte les nuits équatoriales armé d’une arbalète et transforme la voute de la canopée en une constellation de boules chinoises.

Photo Guillaume Deffontaines


Brice Barbier, depuis son 4x4 aménagé gère les rushes et assure une continuité souvent acrobatique en lumière qui permettra à Richard Deusy, à l’étalonnage, de retrouver les intentions initiales.

Nos premiers repérages ont lieu en janvier 2022 sous un soleil magnifique et le tournage s’enchaîne, de février à avril, en pleine saison des pluies. Je pensais savoir un peu à quoi m’en tenir pour y avoir déjà vécu un temps, mais la réalité de notre tournage dépasse de très loin mon expérience amazonienne.

Guillaume Deffontaines caméra à l'épaule - Photo Jean Coudsi
Guillaume Deffontaines caméra à l’épaule
Photo Jean Coudsi


Le 14 février, malgré l’arrivée tardive du camion costumes, mystérieusement disparu la veille, le premier jour de tournage débute autour des 23 légionnaires de la colonne en fuite. En quelques minutes, des pluies torrentielles transforment notre clairière en un champ de boue inextricable, les comédiens se démènent malgré leurs lourdes bottes, le matériel est regroupé sous des tentes solidement arrimées. David s’acharne à construire sa scène quand soudain l’ordre d’évacuation est donné. La rivière qui nous sépare de la route est sortie de son lit et inonde littéralement le décor. C’est la débâcle. Chacun attrape ce qu’il peut, court, tombe dans des trous d’eau, nage, nous sommes trois autour de Laurent Passera qui transporte la caméra à bout de bras. Les pompiers nous réceptionnent de l’autre côté du pont déjà immergé. Nous apprenons alors que toute la zone est en alerte orange depuis la veille. Personne ne nous a prévenus. Le regard des Guyanais est grave. Nous sommes inquiets, le ton du film est donné.

David Oelhoffen et son équipe - Photo Jean Coudsi
David Oelhoffen et son équipe
Photo Jean Coudsi


Notre Don Quichotte est en marche. Déluges, coulées de boue, inondations, nous accablent sans relâche. La fatigue de l’équipe se fait vite ressentir. Certains techniciens quittent le film. D’autres s’endorment au volant de leur 4x4. La direction de production est totalement dépassée. Des tensions viennent aussi gangréner le fonctionnement du plateau et affectent directement David et son comédien principal.


Comme en témoignent les photos de Jean Coudsi ou Patrick Chauvel arrivant tout juste d’Ukraine, nous arrachons nos plans dans cette forêt boueuse et grouillante quand la grippe brésilienne déferle, telle l’ultime colère de Dieu, provoquant l’arrêt du film. David est hospitalisé, des comédiens aussi.
Une délégation de production arrive de la capitale. Nicolas Elghozi marque une pause de quelques jours, espérant que le petit été de mars arrive enfin et permette la reprise.
Malheureusement nos décors sont devenus des lacs ou des rivières, le plan de travail de Zazie Carcedo est une tapisserie de batailles perdues. La route est coupée, la chaussée affaissée, les camions immobilisés, le décor hors d’atteinte. La fin du tournage apparaît une évidence pour tous, sauf pour David.
Il entreprend de suivre les bulldozers de la DDE qui progressent lentement en pleine forêt, entraînant toute l’équipe derrière lui. Nous retrouvons nos camions intacts. Le tournage reprend, convalescent, comme lui. Les acteurs se fédèrent autour de leur metteur en scène, l’intention du film apparaît enfin aux yeux de tous.
Nous irons jusqu’au bout portés par l’incroyable force de Jacques Perrin et David Oelhoffen qui ne renoncent pas.

David Oelhoffen et Guillaume Deffontaines - Photo Patrick Chauvel
David Oelhoffen et Guillaume Deffontaines
Photo Patrick Chauvel


Jacques Perrin a vu toutes les images du film, jusqu’au dernier jour, il en était content, je suis fier de pouvoir le dire car il m’a appelé personnellement depuis l’hôpital à notre retour à Paris. Il avait pris soin d’appeler David et les comédiens aussi. Il tenait à organiser un dîner dans la semaine mais le destin en a voulu autrement. Le lendemain j’apprenais sa mort dans la presse.

Je partage ce récit comme retour d’expérience car les disques durs contenant les rushes du making of ont disparu à Cayenne lors d’un cambriolage. "Lost in Guyane" n’existera pas.

  • Bande-annonce officielle :

    https://youtu.be/_z3hqvmw6KA?si=zJCR-b8e5oTJ8Gkp

Portfolio

Équipe

Cheffe opératrice seconde équipe : Anna-Katia Vincent
Premier assistant opérateur : Thomas Collet
Second assistant opérateur : Adrien Valet
Gestion des rushes : Brice Barbier
Chef électricien : Frédérick Vanard
Chef machiniste : Laurent Passera
Coloriste : Richard Deusy

Technique

Matériel caméra : Next Shot (Sony Venice + Rialto et série Zeiss Supreme Radiance ; Sony FX3)
Postproduction : M141

synopsis

9 mars 1945. L’armée japonaise lance un assaut foudroyant contre les garnisons françaises en Indochine. Traquée par l’ennemi nippon, une colonne de légionnaires, déjà affaiblis par l’alcool et les maladies tropicales, s’élance au cœur de la jungle pour rallier les bases alliées à plus de 300 km.