Présentation d’Amine Berrada, directeur de la photographie ayant rejoint l’AFC

Par Pierre AÏm, AFC, et Agnès Godard, AFC

par Pierre Aïm, Agnès Godard Contre-Champ AFC n°345

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Ayant rejoint il y a peu de temps l’AFC, le directeur de la photographie Amine Berrada est présenté dans la suite de cet article par son parrain Pierre Aïm et sa marraine Agnès Godard, tous deux membres de l’association, grâce à des textes à l’attention de leurs pairs devant décider de son éventuelle admission.

"Amine Berrada, un directeur de la photographie talentueux", par Pierre Aïm, AFC
Amine Berrada m’a été présenté par notre agent commun, Yahn Jeannot. Je souhaite le parrainer aujourd’hui après plusieurs échanges que nous avons eus, où sa passion pour le cinéma et l’image m’a rapidement séduit. Il serait un excellent ajout à l’AFC.
Issu de la promotion 2013 de La Fémis, il a travaillé sur une quarantaine de courts métrages avant de se lancer dans l’aventure du long.
Après Le Miracle du Saint Inconnu et Le Monde après nous, il a éclairé le court métrage Snow in September qui a remporté moult prix notamment à Berlin et Toronto.
On découvrira ses deux derniers longs métrages cette année à Cannes : Banel et Adama et Les Meutes.
Amine est un directeur de la photo très talentueux. Je serai heureux de le parrainer dans notre association.

"La solidité du travail d’Amine Berrada", par Agnès Godard, AFC
Cet hiver j’ai reçu un e-mail d’Amine me relatant notre rencontre à Berlin quelque 9 ans plus tôt à l’occasion d’une intervention dans le cadre de la Berlinale Talents Campus. J’avoue que j’étais embarrassée, je me souvenais de ce voyage à Berlin mais bon, c’était un peu le brouillard. Il me proposait que l’on se rencontre à Paris.
Le jour où cela a eu lieu, les souvenirs se sont éclaircis…, à Berlin nous étions allés dans un café
après l’intervention dans le grand cinéma de la Berlinale. A ma décharge il n’avait plus tout à fait le même look ! Nous sommes restés un long moment dans ce café, la conversation était facile et surtout très riche.
J’y ai appris qu’Amine était sorti de La Fémis il y a plusieurs années, qu’il avait travaillé sur cinq longs métrages, les deux derniers laissant flotter l’espoir qu’ils seraient peut-être présents à Cannes cette année.
Amine est très disert, très convivial et très fin.
J’ai appris que ces derniers films résultaient d’une collaboration avec des collègues-étudiants de
La Fémis. C’était assez gai d’imaginer les rapprochements, comment on s’engage avec des alter ego débutants, comment l’alchimie d’un compagnonnage se met en route.
Mais c’était aussi la source de questions qui concernent le futur, comment on choisit les films,
est-ce qu’il arrive parfois qu’on doute, est-ce qu’on s’est trompé ? Comment fait-on ? Bref
comment remplir, nourrir et assouvir au mieux cette passion qui consiste à accompagner des
metteurs en scène pour que leurs films soient au plus près de ce qu’ils cherchent, comment y croire et en façonner les images ?
J’ai trouvé qu’il y avait tellement de maturité dans ce questionnement que j’ai eu envie d’en savoir plus. Les deux derniers films étaient présents à Cannes, l’un, Banel et Adama, seul premier film en compétition et Les Meutes à Un Certain Regard. Je n’ai pas été dépaysée, je veux dire que j’ai senti au cours du visionnage de ces deux films la présence du Amine que j’avais retrouvé. Ils sont très différents l’un de l’autre.
Banel et Adama a l’audace du registre du conte où tout est construit et orchestré. Le choix
des couleurs, du découpage, des cadres transportent dans le territoire africain du Sénégal avec
cette distance éclairée qui nous rapproche lentement mais sûrement de sa culture et de son
mode de vie. Certaines séquences m’ont renvoyée au magnifique roman d’initiation du Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, La Plus secrète mémoire des hommes.
Le travail n’a pu être qu’opiniâtreté pour adapter et combattre les conditions naturelles pour qui
sait ce que signifie un tournage sur ces terres-là. N’a pu être que proche collaboration avec la
réalisatrice.
Les Meutes, au contraire, est tout en traversée nocturne d’une intensité réelle de plus en plus
poignante. Caméra à l’épaule, la mise en image est totalement dévouée aux comédiens non
professionnels de ce film aux visages magnifiques et blessés.
La nuit de Casablanca et de ses alentours y est cuivre et opaque, les ténèbres froides et
lointaines. Le périple des personnages se poursuit inlassablement, se répète pour toujours aller
plus avant, au rythme des plans qui ne les quittent jamais. Nous sommes toujours au bord du
précipice, de l’évanouissement dans l’obscurité. Enfin le jour se lève, sans pour autant libérer de
cette menace mortelle.
L’empreinte visuelle marquée de ces deux films est la réussite d’une mise en images pensée et
aboutie.
C’est la solidité de ce travail qui m’a embarquée. Je suis très heureuse d’être sa marraine. Il est
prêt, fin prêt pour rejoindre l’AFC.