Hadewijch

C’est ma troisième collaboration avec Bruno Dumont.
Ses films sont de plus en plus difficiles à monter financièrement et, malgré un succès critique, des récompenses dans les festivals et une reconnaissance internationale, le succès en salles n’est pas au rendez-vous.
Bruno est à la recherche d’une simplicité, la sienne, celle de son cinéma. Mais ce qui est simple à l’écran peut se révéler compliqué pour nous autres opérateurs. Il nous faut donc jongler pour faire rentrer toutes les demandes du réalisateur dans les moyens impartis.
J’essaye de ne pas trop marcher sur mes convictions, ce n’est pas toujours facile. Si je fais des sacrifices, de tout genre, pour faire les films de Bruno, c’est sans aucun sentiment de perte : je me force à être en paix avec moi-même.
J’ai de plus en plus de plaisir à travailler avec Bruno. Il ne cesse de me surprendre par ses demandes et par sa foi à faire avancer son cinéma.

Nous avons tourné huit semaines réparties entre : l’hiver et l’été dans le Nord, l’été à Paris et deux jours à Beyrouth. Pour ce film, nous avons choisi de tourner en 35 mm, au format 1,66, en pellicule Kodak, avec un étalonnage numérique.
Tous ces choix, si simples à énoncer, ont été faits après de nombreuses hésitations, tâtonnements, reculs et autres angoisses.
Près d’une année s’est écoulée entre le moment où Bruno m’a fait lire le scénario et le tournage. Durant cette année, on a fait beaucoup d’essais filmés de façon légère : les comédiens pressentis, les décors, les options de cadre, certains effets de lumière, pour la première fois des essais de maquillage, les supports possibles. On a fait aussi beaucoup de découpage à la table avec vérification sur les décors au viseur de champ et retour à la table. Bruno m’a donné des références musicales, picturales, littéraires, il m’a expliqué ses intentions, ses désirs, ses souhaits.

J’ai vu et revu l’une de nos références lumière, Le Narcisse noir de Michael Powell, éclairé par Jack Cardiff. Je voulais tenter de comprendre cette lumière et le traitement des couleurs extraordinaires qui aident à mettre en scène et qui, en même temps, sont tellement visibles...
Pour L’Humanité et Flandres, la lumière était naturaliste, pour Hadewijch, nous avons opté pour une " lumière actrice " à la limite de l’expressionisme.
J’aime tout particulièrement cette période de préparation : des rêves et du temps !

Bruno a voulu cette fois-ci essayer de tenir les plans le plus longtemps possible pour tenter de donner plus de liberté aux comédiens – contrairement aux autres films très découpés – et pour leur permettre de se redonner du souffle. C’est un réel plaisir de voir Bruno aider à sortir des sentiments de ces gens en train de devenir comédiens.

Le film a été étalonné en numérique, ce qui est un luxe pour ce type de budget. Bruno adore cet outil, il peut visualiser et essayer toutes les variantes possibles. Nous l’avons surtout utilisé pour travailler la blancheur du visage d’Hadewijch-Céline et les couleurs.

L’équipe image
1^er assistant caméra : Gil Decamp
2^e assistant caméra : Julien Poupard
Chef machino : Bertrand Salliou et Emmanuel Van Wambeek
Chef électro : Eric Alirol