Remise en question de la directive européenne sur l’éclairage
Par Marc Galerne, K5600 LightingL’ALD explique et analyse la réforme en dix points :
1) A partir de septembre 2020, une efficacité minimum de 85 lumens par watt sera exigée, ainsi qu’un courant de veille de 0,5 V maximum pour tous les projecteurs vendus dans l’Union européenne.
2) Le texte en vigueur exclut jusqu’à présent l’éclairage dit "Entertainment" mais c’est ce qui est remis en question.
3) Aucun appareil tungstène et peu d’appareils à LED ne survivront à cette loi. Après septembre 2020, aucune de ces sources ne pourra être vendue dans l’Union européenne.
4) Plusieurs fabricants ont déjà dit qu’ils ne pourront pas, techniquement, adapter tous les appareils de leurs gammes à ces impératifs. De nombreux outils disparaîtront donc.
5) Les projecteurs existants ne fonctionneront que le temps de l’écoulement des stocks car les lampes "hors la loi" ne pourront plus être vendues après septembre 2020.
6) Le remplacement des anciennes sources pourrait signifier le remplacement des systèmes de dimmer et les périphériques.
7) Tout cela pour des économies d’énergie qui pourraient être relativement petites, étant donné la façon dont l’éclairage de divertissement est généralement utilisé, et seront probablement largement compensées par les déchets créés et l’énergie nécessaire pour fabriquer et distribuer de nouveaux appareils.
8) Des éléments importants de la boîte à outils d’un concepteur d’éclairage seront perdus au sein de l’UE, certains pour toujours.
9) Cela affectera de façon importante les salles de spectacle et les productions de tous types et de tous budgets.
10) Il y a très peu de précédents pour l’interdiction de technologies sauf pour des raisons de dangerosité.
Imago m’a demandé mon avis sur la question, comme il a dû le faire auprès de beaucoup d’autres. Et voici ce que j’ai répondu, non que mon opinion soit plus importante que celle des autres, mais c’est la seule que je connaisse et je n’ai pas besoin d’autorisation pour la publier :
En ce qui concerne l’éclairage pour le divertissement et le tournage, les lampes sont utilisées pour les effets qu’elles génèrent et le type de lumière qu’elles produisent. L’efficacité n’est pas le critère principal quand il s’agit de l’art. Aucun des produits LED n’atteint 85 lumens par watt (dans le domaine utilisable en prise de vues), et pourtant ils offrent une vaste palette et un changement de couleurs plus rapide et plus précis que les changeurs de couleurs mécaniques. Les projecteurs tungstène ont toujours l’IRC le plus élevé (100), et malgré leur faible efficacité lumineuse, leur filament a une qualité qui ne peut être expliquée mais seulement ressentie. Les HMI ont le spectre le plus complet en lumière du jour et sont préférés par de nombreux directeurs de la photographie et photographes du monde entier.
Parce que l’éclairage concerne les effets et le respect de la pigmentation de la peau, sert à créer des émotions, à raconter une histoire, il doit y avoir autant d’outils divers que possible. Certaines technologies d’éclairage existantes ne peuvent pas être simplement remplacées, parce qu’elles sont uniques et nécessaires tant que l’esprit d’une personne créative les utilise. L’IRC, la qualité unique de la lumière et la flexibilité sont importants pour la création, certainement plus que l’économie de quelques watts. L’or est remplaçable par des matériaux alternatifs plus brillants et plus faciles à entretenir, mais il reste le choix privilégié des bijoutiers et des restaurateurs d’œuvres artistiques anciennes.
La production d’aujourd’hui utilise déjà moins d’énergie qu’auparavant. Les groupes électrogènes diminuent de taille et les projecteurs les plus puissants en énergie se limitent souvent à 4 kW. De toute évidence, des grosses sources sont encore utilisées quand il s’agit de compenser un soleil par temps clair, mais ils ont tendance à n’être utilisés que pour quelques jours sur un tournage. Les caméras numériques ont une sensibilité standard de 800 à 2 000 ISO, avec des possibilités encore plus élevées, qui permettent aux productions d’utiliser moins de lumière qu’auparavant. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose de tourner une scène de nuit avec la seule lumière ambiante au motif que cela économise du temps (et de l’argent). Car ne pas éclairer, c’est subir et ne pas mettre en valeur les arrière-plans qui font partie de l’image. C’est comme si un peintre décidait de faire un brouillard à l’arrière-plan de son tableau pour éviter de peindre un paysage ou un monument compliqué parce que c’est trop long. Donc oui, parfois, même si nous travaillons dans un esprit éco-responsable, nous devons éviter de faire des compromis. Ils peuvent agir en censeur de la créativité.
J’ai signé la pétition de l’ALD et j’ai participé à l’enquête de l’Union européenne pour défendre les technologies d’éclairage LED et tungstène, même si les HMI dépassent les 90 lumens par watt. Aucun de nos appareils HMI n’est concerné par cette directive, mais il est important de défendre la liberté de création. Le choix d’utiliser nos outils préférés dans la bonne situation est un droit tant que l’on n’utilise pas des produits dangereux. Nous travaillons sur des appareils à LED qui ne répondront pas non plus aux critères de l’UE. Avec les LEDs, plus vous êtes efficace, moins vous obtenez un bon IRC, et nous avons l’intention d’opter pour la qualité plutôt que pour la quantité.
Mais je ne pense pas que nous devrions nous inquiéter trop à ce sujet. Il y a beaucoup d’emplois en jeu dans les grandes entreprises comme Osram, Philips, Cree, ETC, Robe, Martin, Arri... et le chiffre d’affaire cumulé de ces entreprises influentes pèsera lourd dans la balance.
- En savoir plus, en anglais, sur le site Internet de l’Association of Lighting Designers.