Cinéma : l’exception française menacée

par Ange-Dominique Bouzet

La Lettre AFC n°129

Au ministère de la Culture, Jean-Jacques Aillagon a d’ailleurs marqué le coup, déclarant qu’il " fallait tout faire pour préserver les industries techniques françaises contre la délocalisation des tournages ". David Kessler réunira donc les organisations professionnelles du cinéma pour préparer la réunion de concertation que ces syndicats auront avec les services de la Commission européenne le 19 janvier.
Le régime actuel des aides cinématographiques repose sur une " communication " élaborée en 2001 par Viviane Reding (commissaire à la Culture) et Mario Monti (commissaire à la Concurrence), arrivant à échéance le 4 juin.

A strictement parler, les aides nationales au cinéma, en tant que système protectionniste, sont contraires au traité de Maastricht. Celui-ci prévoit cependant des dérogations pour les interventions " destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine " tant qu’elles n’altèrent pas trop le libre-échange. La " communication " de 2001 a précisé ces conditions dérogatoires et avalise notamment une certaine " territorialisation " des aides : les Etats peuvent subordonner l’octroi de leurs subventions au fait qu’un film accomplisse au moins 80 % de ses dépenses de production sur leur territoire. La France espérait un moratoire reconduisant ce cadre jusqu’en 2007. Mais le document préparé par Bruxelles vise au contraire à limiter la territorialisation, accusée de " fragmenter le marché communautaire ", pour " dynamiser le cinéma européen ".

Trois options sont proposées. La première alignerait le taux de " territorialisation " sur le taux de l’aide, elle-même plafonnée à un maximum de 50 % du budget d’un film (un film bénéficiant d’une subvention de 20 % ne saurait alors être obligé d’effectuer plus de 20 % de ses dépenses dans l’Etat " subventionneur "). La seconde (assez irréaliste) suggère un décompte des éléments artistiques et culturels des dépenses. La troisième, enfin : supprimer toute " territorialisation " en échange d’un abandon du plafonnement des aides.
(Ange-Dominique Bouzet, Libération, 10 janvier 2004)