En projection, la technique dessert l’argentique

par Edouard Launet

La Lettre AFC n°115

Depuis quelques mois, on voit pas mal de choses bizarres sur les écrans : projections électroniques d’œuvres tournées en 35 mm, exploitations de films transférés sur pellicule après tournage en vidéo numérique, vidéo projections de DVD... Les films 35 mm deviennent des objets hybrides lorsqu’ils sont convertis en haute définition numérique à la postproduction.

Pour la CST, la présentation en vidéo projection de Pandora, d’Albert Lewin, au Reflet Médicis (Libération du 23 août) a mis le feu aux poudres. Comme il n’existe plus de copie argentique exploitable, il fallait soit en restaurer une - mais le coût, 38 000 euros environ, était prohibitif -, soit faire une projection électronique à partir d’une cassette numérique utilisée pour la télédiffusion, au prix d’une forte dégradation de l’image. Simon Simsi, détenteur des droits, a opté pour cette dernière solution.

Jeudi dernier, la CST a réuni au Reflet Médicis des professionnels, qui furent unanimes : « qualité terrifiante, désespérante », « massacre du patrimoine », « autant voir ça chez soi sur un DVD », etc. La projection souffrait, il est vrai, d’un triple handicap : mauvaise qualité de la copie argentique utilisée pour la cassette, faible définition de l’image et enfin dégradation due à la projection vidéo : perte de contraste, scintillement, etc.
On peut faire mieux, mais est-il acceptable, sur le fond, de soumettre le cinéma de répertoire à des projections de deuxième classe ? Ne vaut-il mieux pas attaquer le problème à la source, comme MK2 le fait en ressortant Le Dictateur de Chaplin en copie restaurée ?

Les discussions de jeudi ont convergé sur un point : les films 35 mm devraient être projetés autant que possible à partir de la copie argentique, et la projection électronique réservée aux œuvres tournées en vidéo numérique.
« Le cinéma numérique haut de gamme n’arrivera que lentement, » souligne Alain Besse, responsable du secteur diffusion à la CST. « L’émergence de nouveaux marchés de la distribution pose problème. Les professionnels ont besoin de repères. » La CST leur en fournira le mois prochain en proposant de nouvelles recommandations techniques.
(Edouard Launet, Libération, 23 octobre 2002)