Lucie Baudinaud, AFC, dévoile à Panavision France sa façon d’appréhender l’image de "Bis Repetita", d’Emilie Noblet

par Panavision Alga Contre-Champ AFC n°355

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Lucie Baudinaud, AFC, collaboratrice de longue date d’Emilie Noblet, a photographié son dernier long métrage Bis Repetita. Elle s’entretient avec Panavision France sur ses choix en matière de prise de vues pour le film.

Comment avez-vous été impliquée dans le projet ?
Lucie Baudinaud : Je connais Emilie Noblet depuis nos années d’études à La Fémis. Je l’accompagne depuis sur tous ses projets, nous avons tourné plusieurs séries ensemble, dont "Les 7 vies de Léa", tournée dans le sud de la France avec Panavision France comme prestataire caméra.

Comment décririez-vous le look du projet ?
LB : Je dirais que nous avons globalement cherché à assumer des couleurs franches, saturées et à tous les endroits : que ce soit dans les décors, les costumes et aussi la lumière. Rares sont les sources lumineuses neutres : sur la partie française, les rues sont éclairées par des sources au mercure, bleu-vertes, le lycée choisi est très coloré, et tous les figurants ont reçu une charte de couleurs, en fonction des décors dans lesquels on les verrait, pour qu’ils puissent accorder leurs tenues aux couleurs des séquences…


A Naples, les rues sont toutes éclairées au sodium et les sources sont teintée de parfois 3 Full CTO pour tirer le maximum de rouge, et ainsi presque quitter l’orange plus consensuel. Les décors sont plus chauds, par contraste naturel avec la partie hivernale qui ouvre le film, en France.

Du point de vue du découpage, nous avons tourné en anamorphique avec les optiques AL CF, qui apportent une belle dynamique aux plans. Beaucoup de dolly, de mouvements qui stylisent la comédie, dès que la narration le permet. L’idée était un mélange entre une grammaire visuelle emprunte à la comédie américaine, tout en restant fidèle à la comédie d’auteur à laquelle nous sommes très attachées.


Y a-t-il des références visuelles particulières qui vous ont inspirée ?
LB : Il y a toujours beaucoup d’horizons très variés. Pour la lumière, et les couleurs, je fais beaucoup de recherches sur des sites de photogrammes comme ShotDeck, ce qui apporte un panaché très large.

Pour les recherches en découpage, il y a Bridget Jones, Océan’s 11, Les Beaux gosses, ou encore L’Auberge espagnole… Lorsque j’attaque la préparation d’un film, je revois tous ceux auxquels nous faisons référence dès nos premiers échanges avec Emilie (ou le/la réalisatrice d’ordre plus général), et j’en relève les plans qui me donnent des idées pour certaines séquences. Via un petit logiciel de montage, je récupère ces plans par extraits que je montre à Emilie, et si cela lui inspire une envie précise, on la classe par séquence pour que l’idée du plan soit claire pour tout le monde.


C’est le cas du plan sur le van lorsqu’il rentrent de Pompéi (Ocean’s 11), du "top shot" circulaire lorsqu’elle quitte la villa (Bridget Jones), des différents plans de road movies (Little Miss Sunshine), des mouvements au lycée (A Serious Man)...

Qu’est-ce qui vous a amenée chez Panavision pour ce projet ?
LB : Panavision fait toujours partie des prestataires que je convoque en préparation de film. Guillaume Demaret m’accompagne depuis mon film de diplôme à La Fémis, en 2013. Sur ce projet, nous voulions avec Emilie tourner avec les optiques Primo AL Close Focus, la collaboration est donc allée dans ce sens.


Qu’est-ce qui vous a attirée dans les objectifs spécifiques que vous avez choisis ?
LB : Ces Primos ont une qualité optique rare en anamorphique. La mise au point si proche est quelque chose d’important dans ce que cela permet en mise en scène. Aussi, les déformations sont assez discrètes et les visages restitués de façon très fidèle à presque toutes les focales. La qualité des flous anamorphiques est aussi très belle, et apporte une esthétique à chaque plan. Leur taille et poids ne permettent pas de les envisager souvent, mais sur ce film c’était possible, c’est donc pour cela que nous avons pu les choisir.


Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir directrice de la photographie, et qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?
LB : J’ai le souvenir d’avoir toujours voulu faire ce métier… A une époque où, en fin de compte, je ne savais pas ce que c‘était réellement ! J’ai d’abord été attirée par le cadre, car c’est finalement ce qui a été à ma portée le plus tôt : la caméra de mon grand-père. C’est au début de mes études en BTS Audiovisuel, que j’ai pris conscience du travail de la lumière, et peu à peu, de son pouvoir émotionnel.


Aujourd’hui, je me sens sensible à beaucoup de choses dans mon environnement, j’ai ce sentiment que mon cerveau impressionne beaucoup d’évènements lumineux dans mon quotidien pour les réinjecter en idées au fil des films.